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arrêté brusquement par l’effroi que le nom de la République inspirait et par l’abstention systématique de la Haute Banque. Le gouvernement, pour venir au secours du commerce, fît instituer par les municipalités des Magasins généraux, dont les récépissés servirent à donner des marchandises en gage sans s’en dessaisir ; en même temps il créa à Paris le Comptoir d’escompte, puis une hiérarchie de sous-comptoirs professionnels et de comptoirs départementaux, qui devaient, avec des subventions de l’État, des départements et des villes, escompter le papier à deux signatures de leurs membres, sauf à le faire réescompter par la Banque de France[1]. L’expérience transforma heureusement ces institutions. Les Magasins généraux devinrent des institutions libres, qui ont popularisé en France le warrant (chap. vii, § 4), et le Comptoir d’escompte est devenu, en 1854, une grande société de crédit, qui a rendu beaucoup de services, malgré les embarras qui ont interrompu momentanément ses opérations en 1889.

Le second Empire appliqua le système du monopole aux opérations hypothécaires et organisa sur cette donnée, en 1856, le Crédit foncier de France. A côté de lui, les frères Pereire fondèrent, en novembre 1852, le Crédit mobilier comme société anonyme, faveur assez rare alors pour qu’elle pût être considérée comme un monopole. Son but était double : tout en faisant des opérations de banque ordinaires avec le produit de dépôts à vue ou à court terme, le Crédit mobilier fournissait leur capital à des affaires industrielles, souvent établies à l’étranger, au moyen de l’émission d’obligations à long terme. La conception était juste en elle-même, et le Crédit mobilier fonda effectivement à cette époque un grand nombre d’entreprises, dont quelques-unes ont prospéré. C’était le moment de la constitution des compagnies de chemins de fer ; il aida au placement dans le public de leurs actions. Mais ses directeurs abusèrent de l’engouement du public et de la faveur officielle pour faire monter artificiellement

  1. V., sur cette période de l’histoire des banques en France, A. Courtois, op. cit., pp. 172 et suiv.