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furent beaucoup moins brillants. La baisse, qui se produisit sur toutes ces actions en 1847 et en 1848, sous l’influence d’une disette, puis de la Révolution, fut exagérée, comme il arrive dans toute panique ! Ces entreprises étaient en effet fort sérieuses et ceux qui à cette époque n’ont pas douté de leur avenir ont fait preuve de cette sagacité qui est à la base de toute spéculation heureuse et honnête. Toutefois ce n’est que quand l’Empire eut en 1855 constitué les six grandes compagnies que la construction de notre réseau ferré fut assurée. C’est de ce temps également que date l’essor de nos grandes exploitations houillères. Les actionnaires de cette époque réalisèrent des bénéfices proportionnés à l’importance de la richesse créée. Les six grandes compagnies sont devenues des puissances financières et des forces sociales. Tout le réseau secondaire, le troisième réseau, les lignes stratégiques, qui complètent utilement l’outillage national, mais ne pourront pas payer un intérêt rémunérateur de longtemps, ont été exécutées par elles au moyen d’obligations émises avec des garanties d’intérêts par l’État. Ces titres sont devenus le placement favori de la bourgeoisie française et la plus-value graduelle du capital a compensé pour eux la faiblesse croissante du rendement comparativement au taux d’émission. La vente directe que les compagnies en font à la Bourse et dans les gares supprime toutes les commissions de banque, tous les abus qui se glissent dans les émissions.

L’établissement des grandes lignes de navigation, la transformation de l’outillage des grandes industries ont nécessité de puissantes concentrations de capitaux et la substitution dans de larges proportions des sociétés anonymes aux entreprises individuelles et aux commandites. Aux États-Unis, ce mouvement s’était produit plus tôt et plus rapidement que chez nous. En 1836, Tocqueville constatait, comme un trait qui les différenciait alors de l’Europe, la multiplication des sociétés par actions ou corporations, comme on les appelle, Les législations européennes finirent, nous l’avons vu, par se