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de sociétés anonymes fut tourné par la commandite en actions. Les titres des sociétés formées sur cette base se montrèrent en grand nombre sur la Bourse à partir de 1832.

Les entreprises industrielles les plus diverses furent mises en sociétés de cette sorte. Une affaire était-elle douteuse, les fondateurs, pour échapper aux responsabilités personnelles que ce régime entraîne pour les directeurs de la société, mettaient à sa tête comme gérant un homme de paille. Les asphaltes, la fabrication des bougies eurent le don de surexciter les espérances des actionnaires, et leurs actions atteignirent des prix qui n’ont jamais été égalés depuis. Les actions des Asphaltes de Pyramond-Seyssel de 1.000 fr. valurent 10.260 fr. en 1838. Ce fut une éclosion d’entreprises fantastiques qui rappelait celle du South sea Bubble en 1720. M. Leroy-Beaulieu fait remarquer que la naïveté des actionnaires d’alors, appartenant tous à la haute bourgeoisie et aux professions libérales, dépassait encore celle des pauvres diables, qui de nos jours se laissent prendre aux prospectus des agences financières. Cette poussée d’agiotage correspondait à une expansion exagérée du crédit. La crise commencée en Angleterre en 1837 atteignit la France en 1838 et balaya sans merci toutes ces sociétés[1].

La construction des chemins de fers, qui commença à la même époque, traversa bien des vicissitudes, à cause de l’absence de plan suivi chez le gouvernement. Elle nécessita naturellement la fondation de grandes compagnies. Avant même qu’elles fussent constituées, les promesses d’actions donnèrent lieu à d’ardentes spéculations que les tribunaux durent reconnaître comme licites en vertu des principes généraux du Code. La constitution de la Compagnie du chemin de fer du Nord par les Rothschild, en 1845, fut accueillie avec une faveur telle qu’en quelques mois les actions mises à la disposition du public, et sur lesquelles 400 fr. avaient été payés, en valurent 800 fr. Les débuts des autres compagnies

  1. Essai sur la répartition des richesses, chapitre xii. Cf. Clément Juglar, Des crises commerciales et de leur retour périodique, pp. 411 et suiv.