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Ces maisons sont toutes d’origine allemande. Les Juifs portugais, dont un rameau très important est établi à Bordeaux, n’ont jamais eu la même fortune. A l’époque de la Révolution, ils tenaient beaucoup à se distinguer de leurs coreligionnaires allemands et auraient préféré conserver pour eux seuls leur situation privilégiée[1]. Un d’eux, Mirès, qui eut, sous le second Empire, des débuts très brillants, mais qui avait épousé une chrétienne, fut écrasé précisément sous la rivalité de la Haute Banque allemande. Seuls les Pereire, après avoir créé le Crédit mobilier et avoir affiché la prétention d’être les conducteurs du marché financier parisien, ont pu survivre et se maintenir dans un rang effacé.

Presque partout les anciennes maisons chrétiennes ont été reléguées au troisième rang. Même à Paris, les maisons d’origine genevoise, que l’on appelle parfois à cause de cela la banque protestante, n’occupent plus qu’une position secondaire. En Angleterre aussi les grandes maisons de banque chrétiennes ou bien ont fait faillite, comme Overrend and Gurney en 1866, les Baring en 1890, et les Murietta en 1891, ou bien elles se sont transformées en sociétés anonymes, ce qui diminue leur influence. A Vienne, les Sina se sont retirés des affaires, il y a longtemps. A Amsterdam, les Hope ont fait de même, il y a quelques années.

Dès 1825, Cobbett, le vigoureux pamphlétaire anglais, signalait cette puissance des Juifs. En 1846, un écrivain fouriériste[2], qui était surtout un humoriste, Toussenel, lançait un volume intitulé : les Juifs rois de l’époque, histoire de la féodalité financière. Le titre était une idée géniale et a préservé son auteur de l’oubli ; car l’ouvrage lui-même est sans

  1. V. Lehmann, l’Entrée des Israélites dans la société française.
  2. Fourier, dans la Théorie de l’Unité universelle, publiée en 1838 (I, 167-170), se plaignait que les nations modernes eussent admis au droit de cité les Juifs « qui sont des improductifs et des parasites tous adonné au trafic et nullement à l’agriculture, gens qu’une politique éclairée aurait exclus comme contagion sociale ». Dans Le Nouveau monde industriel et sociétaire (1829), il disait déjà :« la nation juive n’est pas civilisée : elle est patriarcale ; n’ayant point de souverain, n’en reconnaissant aucun en secret et croyant toute fourberie louable, quand il s’agit de tromper ceux qui ne pratiquent pas sa religion…Tout gouvernement qui tient aux bonnes mœurs devrait y astreindre les Juifs, les obliger au travail productif, ne les admettre qu’en proportion d’un centième pour le vice… » V. ces passages dans les Œuvres choisies de Fourier, pp. 70-71, par M. Ch. Gide (Petite bibliothèque économique de Guillaumin).