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et, depuis qu’ils se sont constitués à l’état de dynastie, ils semblent avoir pris pour règle de conduite la maxime du peuple-roi : Parcere subjectis et debellare superbos[1]. Aussi ont-ils favorisé la fondation par leurs coreligionnaires de nombreuses maisons de banque qui sont comme leurs satellites. Des membres de la famille font partie des conseils d’administration de toutes les banques nationales ainsi que des grandes sociétés de crédit, dont la constitution a marqué une époque nouvelle dans l’histoire financière (§ 9).

Toutefois l’activité des Rothschild ne s’est pas cantonnée exclusivement dans l’émission des emprunts publics et dans les affaires de change. Les grandes entreprises industrielles de notre époque les ont attirés aussi, et ils ont fort habilement mis à profit la forme de la société anonyme pour dissimuler à la masse du public la puissance qu’ils acquéraient encore sur ce terrain. En 1824, Nathan-Mayer fondait à Londres l’Alliance marine insurance C°. Dans les années précédentes, il s’était fait hypothéquer les mines d’Almaden en Espagne, et son frère avait acheté celles d’Idria en Autriche, de sorte que le prix du mercure resta sous leur contrôle dans toute l’Europe jusqu’à la découverte des gisements américains.

    toutes les valeurs qu’on offrait à des prix raisonnables et il appuya la Banque d’Angleterre elle-même qui était compromise. En 1875, le Spectator dans un article qu’a traduit la Revue britannique, a fort bien décrit la fonction du gouvernement financier du monde qu’a assumée la maison de Rothschild et qu’elle défend contre tout nouveau venu, comme le ferait un souverain légitime vis-à-vis d’usurpateurs.

  1. John Reeves, pp. 129-130, indique comment Anselm Rothschild, à Francfort, écrasa toutes les maisons de banque qui essayaient d’entrer en concurrence avec lui. Plus loin, pp. 266-268, il raconte la lutte qui éclata sur le marché de Paris en 1834, entre les Rothschild et six maisons de banque syndiquées, savoir J. Hagermann, André et Cottier, B.-A. Fould et Oppenheim, J.-A. Blanc, Colin et Cie, Gabriel Odier et Cie, Wells et Cie. L’objet de leur rivalité était l’émission des emprunts des gouvernements italiens dont les Rothschild prétendaient avoir le monopole. Les banquiers syndiqués leur avaient enlevé l’émission d’un emprunt piémontais. Les Rothschild provoquèrent une baisse générale à la Bourse de Paris, qui les empêcha de recueillir les bénéfices qu’ils en avaient espérés. Le gouvernement pontifical ayant offert à ces mêmes banques de se charger d’une opération de conversion, les Rothschild, aidés par Torlonia, firent rompre la négociation à Rome. Un accord intervint du reste entre eux et les banques syndiquées, quand celles-ci eurent fait leur soumission, M. John Reeves raconte comment, par des manœuvres semblables, à diverses époques, ils écrasèrent à Londres et à Vienne tous ceux qui osèrent se poser comme leurs rivaux.