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la paix. Nous avons dit quelle fut vis-à-vis d’eux la posture du gouvernement républicain en 1848 et l’abandon des intérêts du Trésor auquel consentit le ministre des finances d’alors (chap. x, §5). En 1871, ce sont eux qui ont dicté à M. Thiers les conditions des emprunts de la rançon nationale et on les accuse d’avoir imposé en 1882 la mise en faillite si injuste et si désastreuse de l’Union générale.

Sir Lionel de Rothschild, qui succéda à la maison de banque de Londres à la mort de Nathan-Mayer, en 1836, fut élu membre des Communes par la Cité et parvint en 1858 à faire voter un bill en vertu duquel il put être admis au Parlement en prêtant serment sur l’Ancien Testament. Son fils Nathaniel, le quatrième du nom, devait être élevé à la pairie en 1886. Sir Lionel, solidement appuyé sur d’immenses capitaux et tenant compte des exigences de l’opinion, renonça aux manœuvres de bourse et aux coups d’agiotage familiers à son père. Il s’occupa presque exclusivement des émissions d’emprunts d’États ; il fut l’agent attitré du gouvernement russe à Londres. Il soumissionna dans sa carrière jusqu’à 160 millions de livres sterling d’emprunts divers pris ferme, c’est-à-dire dont il garantissait le paiement à époque fixe, sauf à partager l’affaire avec les autres branches de la famille. En même temps, il s’occupa des grandes affaires de change, qui sont demeurées l’apanage presque exclusif de la maison, et il monopolisa en fait le commerce des métaux (argent, cuivre, étain, plomb) dont le marché s’est concentré à Londres.

Dans la conduite des grandes affaires financières auxquelles ils prennent part, les Rothschild sont de plus en plus dominés par le sentiment des responsabilités attachées au gouvernement financier des nations. A l’occasion, ils soutiennent les marchés et empêchent l’effondrement complet des cours, en vertu de cette maxime économique qu’il ne faut pas ruiner à fond ses voisins, si l’on veut continuer à faire des affaires avec eux[1]. Mais ils ne supportent pas de rivaux

  1. Ainsi, en 1825, quand, après une période de vive spéculation une crise éclata à Londres, Nathan-Mayer Rothschild soutint le marché en achetant