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commerce que pendant cette période le change sur le continent fut presque toujours favorable à l’Angleterre.

Durant ces années, où les fonds publics éprouvaient au Stock Exchange des oscillations aussi fortes que subites, Nathan-Mayer accrut énormément sa fortune. Il apportait une remarquable sagacité dans ses spéculations ; mais il employait aussi les manœuvres les plus raffinées de l’agiotage[1]. Selon son historien, en cinq ans il retourna 2.500 fois son capital.

Après la paix, il se chargea de l’émission à Londres de nombreux emprunts. De 1818 à 1832, il négocia pour le compte de la Prusse deux emprunts de 212 millions, un pour la Russie de 87 millions, pour l’Autriche et pour Naples de 52 millions chacun, pour le Brésil de 70 millions, pour la Belgique de 50 millions. Sous l’influence de ces émissions multipliées, la spéculation prit un grand développement en Allemagne de 1817 à 1821.

On négligea tout pour la spéculation, dit un historien. Les grandes maisons Israélites Salomon Heine à Hambourg, Itzig à Berlin, Arnstein et Eskeles, Geymuller et Cie, la maison Sina d’origine grecque, etc., à Vienne, et les deux branches de la maison de Rothschild de Vienne et de Francfort avaient uni leurs efforts pour attirer vers les nouveaux emprunts tous les capitaux disponibles et pour habituer le public aux opérations de bourse, qui allaient devenir pour eux l’origine d’immenses fortunes[2].

En même temps que Nathan-Mayer Rothschild fondait la

  1. D’après M. John Reeves la manœuvre favorite de Nathan Mayer consistait à faire faire par ses brokers attitrés un certain nombre d’opérations en sens inverse de celles qu’il voulait effectuer, de manière à précipiter dans ce sens-là les cours, parce que la masse des spéculateurs cherchait à l’imiter. Pendant ce temps il faisait faire ses opérations réelles en quantités bien plus fortes par des brokers qu’on ne pouvait soupçonner d’agir pour son compte. V. le récit de sa spéculation après Waterloo, chap. ix, § 15.
  2. Frignet, Histoire de l’Association commerciale, p. 346. Les conditions dans lesquelles fut émis l’emprunt prussien de 1818 étaient aussi onéreuses que celles faites à la Restauration. Le montant nominal de l’emprunt était de 5 millions de liv. st., émis en 5 p. 100 ; mais le crédit du gouvernement était si bas qu’il ne put en obtenir des Rothschild que 70 p. 100 pour la première moitié, 72 1/2 p. 100 pour le 3e quart et 75 pour le dernier quart. Encore ne fut-il pas complètement souscrit, malgré un amortissement rapide promis aux souscripteurs. V. John Reeves, the Rothschild, p. 74.