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Barnet Cohen[1].

Mayer-Amschel, soutenu puissamment par ce fils, qui avait le génie d’un fondateur de dynastie, s’occupa dès lors du placement des emprunts d’État :de 1804 à 1812, il se chargea d’emprunts danois jusqu’à concurrence de 10 millions de thalers, ainsi que d’un emprunt suédois.

Pendant la guerre d’Espagne, Nathan-Mayer fut chargé de concert avec son père de faire passer en Espagne au duc de Wellington les fonds que le gouvernement anglais avait à lui faire toucher : en huit années, il y gagna, dit-on, 30 millions de francs, ce qui s’explique si on réfléchit qu’il fallait souvent faire passer des envois d’espèces à travers la France et les armées belligérantes. Nathan-Mayer fut aussi employé à faire toucher aux puissances continentales les énormes subsides que leur allouait l’Angleterre : ils s’élevèrent en une seule année à 11 millions de livres (275 millions de francs). Ces remises furent surtout faites au moyen d’opérations de change, et les Rothschild surent si bien les balancer avec les emprunts faits alors par les puissances continentales et les dettes du

    très bien informé de toutes les circonstances de cette affaire, dit que le dépôt fait par l’électeur de Hesse-Cassel en 1806, au vieux Rothschild était de quinze millions en espèces. « Les intérêts de cet argent devaient appartenir au banquier qui ne serait tenu qu’à rendre le capital… Une commission impériale se rendit chez celui-ci dont la caisse et les registres furent minutieusement examinés. Mais ce fut en vain… Les menaces et l’intimidation n’eurent aucun succès, de sorte que la commission, bien persuadée qu’aucun intérêt mondain ne déterminerait un homme aussi religieux que Rothschild à se parjurer, voulut lui déférer le serment. Il refusa de le prêter. Il fut question de l’arrêter ; mais l’Empereur s’opposa à cet acte de violence… Ne pouvant vaincre la résistance du banquier, on espéra le gagner par l’appât du gain. On lui proposa de lui laisser la moitié du trésor, s’il voulait livrer l’autre à l’administration française. Celle-ci lui donnerait un récépissé de la totalité, accompagné d’un acte de saisie prouvant qu’il n’avait fait que céder à la force, ce qui le mettrait à l’abri de toute réclamation ; mais la probité du juif fît encore repousser ce moyen et de guerre lasse on le laissa en repos… En 1814, l’Electeur étant rentré dans ses états, le banquier Francfortois lui rendit exactement le dépôt qui lui avait été confié. Vous figurez-vous quelle somme considérable avait dû produire dans un laps de temps de huit années un capital de quinze millions entre les mains d’un banquier juif et Francfortois ?»

  1. Une maison Israélite, les frères Goldsmid, avaient dominé le marché de Londres de 1792 à 1810, époque où ils se ruinèrent. A leur arrivée ils avaient supplanté les vieilles maisons de banque nationale, les Curtis, les Dorrien, les Grote et les Boldero, d’origine portugaise, qui avaient tenu la tête du marché de Londres pendant le xviiie siècle. En 1810, les Goldsmid possédaient 8 millions de liv. st. Ils furent comme les précurseurs des Rothschild. V. John Francis, la Bourse de Londres (trad. française), pp. 188-194.