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Les dépenses totales faites par l’Angleterre dans cette période pour la guerre s’élevèrent, d’après Pablo Pebrer, à 784.106.115 livres st. (19.767.315.159 fr.). Près de la moitié furent demandées à l’augmentation des taxes[1], le reste à des emprunts, qui, réunis, s’élevèrent à 498.695.862 liv. st., mais qui grevèrent le pays de 621.375.628 liv. st. en capital nominal, parce qu’ils furent émis au-dessous du pair[2].

La Banque d’Angleterre et le Stock Exchange soutinrent énergiquement le crédit public, et, malgré la somme colossale d’emprunts émis dans cette période, l’Angleterre, au lieu d’avoir une partie importante de sa dette placée à l’étranger, comme au milieu du xviiie siècle (chap. xi, § 10), fut, au sortir de cette grande crise, en état de prêter de l’argent à toutes les nations continentales.

La haute Banque de Londres avait pris un développement d’autant plus grand que pendant toute la durée de la guerre elle avait été chargée de faire passer aux gouvernements continentaux engagés dans la coalition les subsides énormes que leur allouait l’Angleterre[3] (§ 5).

  1. Le produit annuel des taxes monta de 17.170.400 livres, sterl. en 1794 à 76.991.000 liv. st. en 1816.
  2. Leroy-Beaulieu, Science des finances (4e édit., t. II), p. 335.
  3. Buchanan, dans ses notes sur la Richesse des nations d’Adam Smith (liv. IV, chap. i), indique par quels procédés ces vastes opérations purent s’accomplir : « Il est évident que des envois considérables de subsides à l’étranger ne peuvent s’effectuer par une exportation d’argent monnayé : il est constaté d’ailleurs par des rapports de douane qu’une grande partie des dépenses extérieures de ce pays pendant la dernière guerre fut défrayée par l’exportation des marchandises. A partir de l’année 1797, des traites pour le payement des troupes furent expédiées pour le continent de l’Europe, des subsides considérables furent envoyés à l’Empereur d’Autriche et à d’autres princes d’Allemagne. On s’était toujours procuré les fonds nécessaires par des exportations de marchandises et d’espèces. Les envois pour l’Allemagne seule, par exemple, qui pendant la paix avaient été d’environ 1.900.000 livres sterling (47.500.000 fr.), s’élevèrent pendant les années 1795 et 1796, époque où des remises furent envoyées en Autriche, à plus de 8.000.000 livres sterling (200.000.000 fr.) Le prêt accordé à l’Empereur en 1795 s’éleva à 4.600.000 livres sterling (115.000.000 fr.) et M. Boyd, qui avait été chargé de la remise de cette somme, rapporte qu’une partie s’élevant seulement à 1.200.000 livres sterling (30.000.000 fr.) avait été faite en monnaies étrangères et en lingots ; le reste fut effectué par des envois de traites. Il fallait nécessairement varier le mode de la remise selon l’état du change. Des lettres de change furent achetées, selon les circonstances, sur Madrid, Cadix, Lisbonne, de préférence à des envois de lingots ou à des remises directes sur Hambourg. M. Boyd, dans les explications données au comité secret de la Chambre des lords en 1797, dit : « C’est en ne demandant à aucun des moyens de remise rien au delà de ce qu’on pouvait raisonnablement en attendre, que nous sommes parvenus à mener à bonne fin une opération aussi importante, sans amener des variations notables dans le cours du change. » Les changes furent généralement favorables à l’Angleterre pendant cette période.