Page:Jannet - Le capital, la spéculation et la finance au XIXe siècle, 1892.djvu/507

Cette page n’a pas encore été corrigée

pour la formation des sociétés anonymes et il ne s’en fonda presque aucune pendant tout le règne.

L’eût-il voulu, l’Empereur n’aurait pas pu recourir à des emprunts publics. La Bourse fut toujours incertaine sous son règne, et, quelques jours avant la bataille d’Austerlitz, une panique causée par les embarras d’une grande société de fournisseurs, appelée les négociants réunis, avait compromis le cours des billets de banque. Il ne fallut rien moins que cette victoire pour le raffermir. Le Trésor n’avait pas non plus sa pleine indépendance vis-à-vis des fournisseurs militaires et Ouvrard en profita largement[1].

L’état de guerre continuel empêcha les banquiers particuliers, genevois ou autres, qui avaient pu traverser la Terreur, de constituer des maisons puissantes ; en sorte que la France se trouvait au début de la Restauration non seulement appauvrie par vingt-cinq ans de révolutions et de guerres, mais encore dépourvue de l’outillage financier, qui, pendant la même période, s’était développé en Angleterre.

III. — De 1793 à 1815, la richesse de l’Angleterre s’était accrue considérablement. Les trésors de l’Inde, que lord Clive venait de conquérir, ceux des colonies hollandaises que ses armées occupèrent jusqu’à la paix générale, affluèrent à Londres et dans ses entrepôts. Elle fut la première à mettre en œuvre les grandes inventions qui marquaient l’era of machinery ouverte en 1766. Enfin la destruction des marines française, espagnole et hollandaise lui livra complètement le commerce de l’Europe avec l’Orient et les colonies américaines, si bien que, même après le rétablissement de la paix, les manufactures britanniques eurent pour de longues années le monopole des marchés du Continent, de l’Asie et de l’Amérique. C’est grâce à ce grand accroissement de richesse intérieure que l’Angleterre put suffire aux énormes dépenses de vingt-sept années de guerre, en sorte que, loin d’être empirée, sa position financière, au rétablissement de la paix, se trouva beaucoup plus forte qu’auparavant. [fin page486-487]

  1. V. Les Mémoires d’un ministre du Trésor, par Mollien, tomes I et II.