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parti de la Commune, furent deux gentilshommes : l’un Claude-Henri, comte de Saint-Simon de la famille illustre qui prétendait descendre des comtes de Vermandois, l’autre, Charles-Sigismond de Redern, fils du grand maréchal de la Cour de Prusse… Tous deux achetèrent pour 17 millions de biens nationaux dans les départements, spécialement dans l’Orne. Les deux associés ne payèrent que le premier douzième ; car le parti de la Commune et de Danton ayant été proscrit par Robespierre, le comte de Redern s’enfuit de la France et Saint-Simon fut mis en prison avec ses amis du club des Cordeliers. Le 9 thermidor le sauva et rouvrit les portes de la France au comte de Redern : tous deux réclamèrent les biens acquis par les adjudications dont ils avaient été déchus. Ils retrouvèrent leurs amis au pouvoir… La société Saint-Simon et Redern fut maintenue dans la propriété de biens nationaux évalué à 9 millions (parmi ces propriétés se trouvait le grand-hôtel des fermes, rue de Bouloy). Onze douzièmes du prix d’acquisition restaient à payer. Les assignats n’étaient pas démonétisés et les acquéreurs des biens d’émigrés pouvaient se libérer avec ces valeurs dépréciées. Dans les années 1794 et 1795, les assignats tombèrent à leur plus bas prix, et, avec une moyenne de 15 à 45 francs, on pouvait en acheter pour 1.000 francs… Dans le partage que Saint-Simon et le comte de Redern firent de leurs bénéfices, ils acquirent chacun 200.000 livres de rente.

Il faut lire dans l’Histoire de la société française sous le Directoire, le tableau animé que les frères de Goncourt ont tracé de l’agiotage en l’an IV et en l’an V, d’après les journaux du temps. Il portait : 1° sur le cours des assignats et des effets publics en louis d’or ; 2° sur toute espèce de marchandises. Tout le monde vendait alors des marchandises, parce que les marchés réguliers étaient désorganisés et qu’une monnaie réelle faisant défaut, il n’y avait pas de régulateur de la valeur :chacun pouvait espérer réaliser un gain considérable sur une partie quelconque de marchandises à cause des fluctuations journalières de l’or. Le jeu et l’agiotage remplaçaient complètement les spéculations normales du commerce.

L’agiotage trouvait en outre dans ce temps de désordre et de pillage une matière inépuisable dans les fournitures faites aux armées et dans les effets sur le Trésor public. On se