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se jetaient à la face les unes aux autres les accusations d’agiotage.

En 1791, dit Capefigue, étaient accourus à Paris une multitude de Juifs, protestants, faiseurs d’affaires et banquiers venus de Genève, de Neufchâtel, de Bâle et de l’Allemagne, de Berlin, de Vienne, de Francfort dans la vue de réaliser quelques bonnes opérations. Parmi ces étrangers, on désignait comme d’habiles spéculateurs deux frères appartenant à une famille de banque autrichienne, du nom de Freyre. Ils avaient gagné dans l’espace d’une année près de 18 millions en numéraire par le simple agiotage sur les assignats, les actions de la Compagnie des Indes et de la Banque Saint-Charles. Possesseurs de cette fortune considérable, les frères Freyre cherchèrent le moyen de la conserver en s’associant quelques-uns des membres de la Montagne : le parti de Danton leur fut signalé comme le plus sensualiste et le plus corrompu. Autour de cette fortune des frères Freyre se groupèrent bientôt Danton, Camille Desmoulins, Fabre d’Églantine, Chabot, Bazire, tous avides d’argent et des jouissances que la fortune peut procurer. Les frères Freyre demeuraient dans un bel hôtel place Vendôme, et tous les soirs il y avait souper des Montagnards de la Convention et de la Commune…

Quand Robespierre se sépara de son fougueux antagoniste, Fabre d’Églantine et son complice Delaunay, d’Angers, furent traduits devant le tribunal révolutionnaire comme faussaires et agioteurs avec les deux Freyre… Chabot et Bazire avouèrent qu’ils avaient raturé un décret de la Convention sur la Compagnie des Indes pour favoriser l’agiotage. Fabre d’Églantine avait préparé la publication et la promulgation de ce décret falsifié. Les banquiers Freyre et Kock avaient agioté sur toutes les valeurs : dettes viagères, actions des compagnies, assignats. Fouquier-Tinville les accusa de faux et de vol et il y eut une certaine habileté à confondre avec eux ceux qu’on appelait les fripons et tout le parti dantoniste[1].

L’Assemblée nationale, pour créer des intérêts en faveur de la Révolution, avait successivement mis la main sur les biens du clergé, des corporations ouvrières, des hospices, des établissements publics. La Convention y ajouta les biens des émigrés, ce qui porta à cinq milliards et demi la valeur des immeubles offerts tout à la fois en vente. Les divers décrets, qui présidèrent à la mise en vente de cet immense patrimoine

  1. Histoire des grandes opérations financières (Paris, 1851-1855), t. II.