Page:Jannet - Le capital, la spéculation et la finance au XIXe siècle, 1892.djvu/50

Cette page n’a pas encore été corrigée

de rente de leurs propriétés. Le nombre n’en a certainement pas augmenté. Plus de 6 millions 1/2 de ces cotes (déduction faite de la propriété bâtie) ne portent pas sur plus de 10 hectares[1], ce qui représente au moins 4 millions de petits propriétaires ruraux[2].

Le recensement de 1886 compte seulement 2.331.481 agriculteurs, chefs d’exploitation vivant exclusivement de leurs terres ; mais sur les 1.311.089 fermiers et métayers la majeure partie possède aussi quelques terres et dans les villages beaucoup d’ouvriers agricoles sont propriétaires de leur maison.

Le recensement des habitations, auquel l’Administration des contributions directes a procédé en 1888 pour évaluer la propriété bâtie, a mis ce fait en pleine évidence. Sur 8.302.272 maisons d’habitation (déduction faite de 612.251 non occupées), 5.460.355 sont habitées par leur propriétaire, ce qui fait plus de 65 p. 100, les deux tiers, pour la France entière. Cette proportion à Paris n’est que de 29,7 p. 100 ; elle augmente peu à peu au fur et à mesure qu’il s’agit de villes moins importantes : elle est de 46,4 p. 100 dans les communes de 10.000 à 20.000 âmes, de 51,1 p. 100 dans celles de 5.000 à 10.000 âmes, de 57,7 p. 100 dans celles de 2.000 à 5.000

  1. On a tort, croyons-nous, de fixer à 6 hectares au lieu de 10 la limite de la petite propriété. Sauf dans les régions de culture maraîchère et de vignobles, 10 hectares constituent encore une petite exploitation. Sans doute, beaucoup de propriétés de plaisance, autour des villes et sur le littoral, ont moins de superficie et sont confondues, dans cette statistique, avec la propriété paysanne ; mais, d’autre part, dans les régions montagneuses, bien des paysans possèdent des domaines supérieurs à 10 hectares. Nous avons indiqué, dans notre ouvrage le Socialisme d’Etat et la Réforme sociale (2e édit., pp. 473 et suiv.), les éléments qui peuvent donner une idée de l’importance de l’intérêt dans le sol des paysans, soit comme propriétaires individuels, soit par les jouissances communales. On en atténue grandement l’importance, croyons-nous, quand on dit qu’ils possèdent seulement le cinquième du territoire.
  2. Les petits propriétaires ont évidemment moins de cotes que les grands ; par conséquent, nous croyons qu’il convient d’appliquer à cette classe la proportion de 59,4 propriétaires pour 100 cotes, donnée par l’Administration des contributions directes, plutôt que celle de 55 pour 100. Les femmes sont propriétaires, il est vrai, comme les hommes et, dans une famille, il y a souvent deux cotes foncières, l’une sous le nom de l’homme et l’autre sous celui de la femme ; mais, dans la classe rurale, la fortune de la femme consiste le plus souvent en une reprise sur les biens de son mari. Pour toutes ces raisons, nous estimons que les quatre millions de petits propriétaires inscrits aux rôles correspondent au moins à trois millions de ménages de paysans propriétaires.