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fait rendre coup sur coup (24 janvier, 7 août, 2 octobre 1785, 22 septembre 1786, 14 juillet 1787), avant d’essayer lui-même de soutenir les cours avec les fonds du Trésor[1].

Les agioteurs, l’abbé d’Espagnac et quelques autres personnages secondaires que Mirabeau désigne dans son pamphlet, n’étaient pas assez puissants pour influencer le marché. Quels étaient donc ceux qui pouvaient le mener ?

De tout temps il y avait eu à Paris des banquiers étrangers. En 1720, des Suisses, des Italiens, des Hollandais faisaient ce commerce rue Quinquempoix. Dans le troisième tiers du siècle, nous voyons s’établir à Lyon, puis à Paris, des banquiers genevois qui disposent de capitaux considérables. C’est un Suisse nommé Penchaud, qui avec l’Écossais Clouard avait fondé l’établissement appelé à devenir la Caisse d’escompte en 1776. Ils restent en relations étroites avec les banques de Lyon, de Genève, d’Amsterdam, et c’est ce qui fait leur force. Ce sont des Genevois qui prennent les emprunts viagers sous forme de tontine, notamment celui dit des Trentes-Têtes, émis par le gouvernement en 1782 pour dix millions.

Necker commença sa grande réputation comme associé de la maison Thelusson, établie à Paris, et ce fut un banquier

  1. Quelques extraits du texte même de ces édits doivent être cités ici :« Sur ce qui a été représenté au roi, par les commissaires députés des actionnaires de la Caisse d’escompte, que depuis trois mois, et notamment dans les derniers jours du mois de décembre, il s’était fait sur les dividendes des actions de cette caisse un trafic tellement désordonné qu’il s’en était vendu quatre fois plus qu’il n’en existe réellement ; que la preuve en était acquise et mise sous les yeux de S. M. par l’exhibition d’une grande quantité de marchés qui portent la réserve de leur inexécution, moyennant des primes payables comptant, en proportion du prix plus ou moins fort que les dividendes pourraient acquérir ; qu’ils croyaient de leur devoir de dénoncer à S. M. un abus qui pourrait compromettre la fortune de ses sujets…… » (Arrêt du Conseil du 24 janvier 1785.) « Le roi est informé que, depuis quelque temps, il s’est introduit dans la capitale un genre de marchés ou de compromis, aussi dangereux pour les vendeurs que pour les acheteurs, par lesquels l’un s’engagea fournir, à des termes éloignés, des effets qu’il n’a pas, et l’autre se soumet à les payer sans en avoir les fonds, avec réserve de pouvoir exiger la livraison avant l’échéance, moyennant l’escompte : que ces engagements qui, dépourvus de cause et de réalité n’ont, suivant la loi, aucune valeur, occasionnent une infinité de manœuvres insidieuses, tendant à dénaturer momentanément le cours des effets publics, à donner aux uns une valeur exagérée et à faire des autres un emploi capable de les décrier, qu’il en résulte un agiotage désordonné….. » (Arrêt du Conseil du 7 avril 1785.)