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administration. Elle comprenait le monopole des tabacs, les traites ou douanes, les gabelles du sel, les aides ou droits sur les boissons. Ils étaient en réalité des fonctionnaires, propriétaires de leur charge, et qui en cédaient la survivance à autant de fermiers généraux adjoints, généralement leurs fils, leurs gendres, leurs parents. Le Trésor leur demandait des anticipations, les unes régulières, les autres extraordinaires. En vue des premières, le fonds d’avance de chacun d’eux était de 1.500.000 livres. Pour le fournir, plusieurs avaient des bailleurs de fonds, des croupiers, comme on les appelait. Ce sont ces opérations qui les ont fait confondre avec les financiers proprement dits. M. Adrien Delahante, dont la famille appartenait à ce corps si intéressant par sa constitution et par la place qu’il tenait au xviiie siècle entre la haute bourgeoisie et la noblesse à côté des familles de robe, en a retracé le fonctionnement avec une grande exactitude. Il réfute l’opinion courante, qui, parce que la Popelinière, Beaujon, Helvétius, Bourret, ont fait partie de cette administration, identifie les fermiers généraux avec les financiers.

C’est la légende, voici l’histoire.

Il y avait à cette époque de nombreux financiers, qui, en l’absence de tout crédit public, jouaient de la dette flottante et profitaient des embarras du Trésor pour faire avec l’État des contrats très onéreux et partant très dangereux, au moyen desquels ils acquéraient de rapides fortunes, généralement terminées par des chutes non moins rapides. Quelques-uns, pendant le cours de leur prospérité, sont parvenus à s’introduire dans la Ferme pour ajouter à leurs splendeurs le double avantage d’une place largement rémunérée et d’un titre honorable ; mais c’étaient là des exceptions et des exceptions rares.

Règle générale, la Ferme était une réunion de très honnêtes gens de très respectables pères de famille, d’administrateurs plus ou moins capables, plus ou moins laborieux, mais tous véritables fonctionnaires publics, généralement étrangers aux combinaisons commerciales[1].[fin page468-469]

  1. Une famille de finance au xviiie siècle, 2 vol. (Paris, Hetzel, 1881). Cf. Encyclopédie méthodique, dictionnaire des Finances, vis Adjudicataire, bail, ferme.