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munitionnaires furent dans tout le cours du xviiie siècle des financiers considérables. Le dernier d’entre eux est Ouvrard, qui approvisionna les armées de la République, de l’Empire et de la Restauration. On les a beaucoup incriminés, oubliant peut-être trop le caractère essentiellement aléatoire de leurs entreprises.

Pendant la guerre de Sept ans, la dette flottante sous les formes les plus diverses s’accrut de nouveau gravement et ce fut l’occasion pour des financiers, comme la Popelinière, Grimod de la Reynière, Beaujon, d’élever de grandes fortunes. Quelques-uns, tels que Bourret et Augeard, et, en sous-ordre, Beaumarchais, deviennent des hommes politiques. Ils se posent en Mécènes et recherchent l’appui des gens de lettres. Les philosophes sont particulièrement accessibles aux participations qu’ils leur donnent dans certaines affaires. Voltaire avait ainsi gagné par la faveur de Paris-Duverney, dans une affaire de fournitures, 500.000 écus, dont un nouveau visa, institué par Terray en 1772, lui fit perdre la moitié.

Plus encore que les traitants du siècle précédent, les financiers de celui-ci s’allient avec la haute noblesse. Helvétius, Hollandais implanté en France, on ne sait trop comment, avait épousé Mlle de Ligniville, des grands chevaux de Lorraine. Les de Mun et les d’Andlau descendent de lui par ses filles. Un fils de Dupin de Chenonceaux épouse une Roche-thoinet ; le duc de Chaulnes épouse la sœur de Bonnier de la Manon, et le maréchal de Rochambeau la fille du Portugais Tellez d’Acosta, fournisseur des vivres[1].

Ces financiers cherchaient fréquemment à entrer dans le corps des fermiers généraux. La ferme générale avait été établie pour la première fois en 1680 et se renouvelait par des baux, généralement de six ans, passés au nom d’un homme de paille. Les soixante fermiers généraux, qui officiellement étaient seulement ses cautions, dirigeaient toute cette grande

  1. Sur ces alliances, V. entre autres les Financiers d’autrefois, par Me Alix de Janzé (Ollendorf, 1886) et M. de Silhouette, Bourret, les derniers fermiers généraux, par Pierre Clément et Alfred Lermina (Paris, 1878).