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Ils y ont fait des gains prodigieux et s’en retournent dans leurs pays chargés de nos dépouilles, nous laissant des billets de banque pour notre argent[1].

Les Hollandais, nous l’avons vu (§ 2), firent à cette époque de grandes pertes, soit en France, soit en Angleterre ; mais elles furent peu de choses en comparaison de celles qu’aurait éprouvé le pays si le magistrat d’Amsterdam n’avait pas eu la sagesse de repousser les offres de Law, qui voulait d’abord établir son système dans cette ville[2].

Pendant tout le xviie siècle et même encore au commencement du xviiie, beaucoup de personnes dans les Pays-Bas estimaient que l’émigration des capitaux était fâcheuse pour la République, parce qu’elle l’empêchait de placer ses rentes au taux le plus bas. En conséquence, des édits avaient défendu les placements en fonds étrangers ; mais ils n’avaient pas été exécutés[3]. Pendant tout le xviiie siècle, la Hollande pourvut par ses capitaux à tous les emprunts et à toutes les émissions d’actions de l’Europe. En 1747, sur 2 milliards ou 1.500 millions francs de montant en capital de la dette de l’Angleterre, le tiers était dû à l’étranger, c’est-à-dire presque exclusivement aux Hollandais[4].

Cette émigration des capitaux hollandais était forcée, étant donnée la différence du taux de l’intérêt, qui depuis le xviie siècle exista entre ce pays et les autres contrées de l’Europe. Maurice de Nassau pouvait réduire à 5 p. 100 et Jehan de Witt à 4 p. 100, en 1655, le taux des rentes constituées sur la Généralité, tandis qu’en France et en

  1. Les mémoires du temps ont raconté les mésaventures amoureuses avec la Pélissier du Juif Dulys, qui était venu à cette époque à Paris, et qui, à la chute Système, avait dû se réfugier en Hollande. En 1721, Montesquieu faisait écrire à Elsbeck dans les Lettres persanes : Tu me demandes s’il y a des Juifs en France. Sachez que partout où il y a de l’argent, il y a des Juifs… Les Juifs n’ont jamais eu en Europe un calme pareil à celui dont ils jouissent maintenant. On commence à se défaire parmi les chrétiens de cet esprit d’intolérance qui les animait. » (Lettre LX.)
  2. V. Laspeyres, Geschichte der Volkswirthschaftlichen Anschauungen der Niederlænder zur zeit der Republik (Leipzig, 1863), p. 273.
  3. Laspeyres, op. cit., p. 254, et F.-W. Pestel, Commentarii de Republica Batavorum (2e édit. Lugd. Batav., 1795), t. I, p. 494.
  4. Silhouette, Observations sur les finances, le commerce et la navigation de l’Angleterre. Cf. Robert Giffen, the Growth of capital, p. 91.