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Le crédit public se releva de cette terrible secousse ; mais une grave atteinte fut portée à la probité nationale et aux mœurs privées. Pendant tout le règne de Louis XIV, les ministres et les classes dirigeantes avaient été irréprochables sous le rapport de l’intégrité. Après le Régent, il n’en fut plus de même et le trafic des influences, le goût des tripotages financiers furent aussi répandus à la cour de France que dans le Parlement d’Angleterre. D’autres historiens ont assez mis en relief l’influence sur les mœurs de cette orgie de spéculation ; nous signalerons plutôt à cette occasion la formation graduelle d’un marché international des capitaux.

Au xvie siècle, on en trouve bien quelques traces et le savant Kervyn de Lettenhove a montré comment les foires de Francfort étaient, à cette époque, le rendez-vous des capitalistes, des politiques, des chefs de bande, de toute l’Europe[1]. Un édit de juillet 1559, qui créait des rentes sur l’hôtel de Ville, les avait formellement exemptées du droit d’aubaine et cette clause, nécessaire pour attirer les capitaux étrangers, était depuis lors reproduite dans tous les édits de création de rentes[2]. Il en était de même pour les actions des compagnies privilégiées. Au xvie siècle et au commencement du xviie un certain nombre d’emprunts étrangers se plaçaient à Gênes[3] ; mais la décadence où l’industrie et le commerce de l’Italie étaient tombés ne permettait plus aux capitaux de s’y former assez rapidement et à la fin du xviie siècle Gênes n’avait plus d’importance comme marché financier.

En 1708, quand la Compagnie écossaise des Indes se forma, la souscription à ses actions fut ouverte à la fois à Édimbourg, à Amsterdam et à Hambourg[4].

Au bruit des miracles de la rue Quinquempoix, dit d’Aguesseau, on a vu accourir de toutes parts tous les banquiers, tous les agioteurs nobles et ignobles, tous les Juifs de l’Europe, plus habiles communément dans ce genre de commerce que ceux de notre nation.

  1. Les Huguenots et les Gueux (Bruges, 1884), t. III, p. 211.
  2. V. Denizart vis Aubaine et Rentes constituées ; Guyot, Répertoire, v° Rentes.
  3. Mun, England’s Treasure, 1664, chap. iv ; Roscher, Principes d’économie politique, § 187.
  4. Frignet, Histoire de l’Association commerciale, p. 267.