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menacé et au risque d’être trahi par un ennemi, un domestique, par ses proches mêmes. Gardera-t-on son fonds en billets de banque ? Mais ils ont déjà commencé à perdre en certaines provinces et le nombre en croît dans un si grand excès, que chacun croit y lire le présage d’une révolution fatale.

Quand les richesses réelles croissent dans un royaume, quand l’or et l’argent s’y multiplient considérablement, le prix des denrées croît à la vérité et la dépense augmente nécessairement ; mais les moyens de payer ce prix croissent en même temps et la recette s’augmente autant que la dépense, en sorte que la fortune des hommes se trouve toujours à peu près dans la même proportion. Mais ici la dépense monte à l’excès et les revenus ou les moyens de la soutenir diminuent aussi à l’excès. Celui qui n’avait que 6.000 livres de rente et qui était obligé de les dépenser, est forcé d’en dépenser 12.000, et, s’il est assez heureux pour ne voir diminuer son revenu que de la moitié, il n’a que 3.000 livres pour en dépenser 12.000 et par conséquent il s’en faut des trois quarts qu’il n’ait le nécessaire pour vivre

Une troisième circonstance est que, dans chaque mutation, le premier vendeur veut gagner sur le premier acheteur ; le premier acheteur devenant vendeur veut gagner à son tour sur le second acheteur et ainsi successivement dans tous les degrés de mutation à l’infini. Or, comme le risque devient plus grand à mesure que le prix augmente, il est visible que l’effet de cette opération successive tend à faire augmenter la cherté de ce bien à mesure que sa valeur véritable diminue ; car il n’est pas douteux que plus on achète chèrement une action, moins on peut espérer d’en retirer du profit, et, sa valeur devant être relative ou proportionnée au profit, il ne peut pas être douteux non plus que sa valeur réelle ne diminue à mesure que son estimation arbitraire augmente, de même qu’on ôte autant de valeur réelle à la monnaie qu’on y ajoute de fausse valeur.

La liquidation du système entraîna des conséquences presque aussi désastreuses que la crise où il avait sombré. Pendant l’apogée de la spéculation et de l’inflation monétaire due aux émissions de billets, le prix de toutes choses avait triplé ; l’intérêt de l’argent était tombé à 2 p. 100 ; les immeubles s’étaient vendus à des taux en rapport avec cette hausse de la monnaie de compte ; les débiteurs s’étaient libérés avec une monnaie qui coûtait si peu ; la dette de l’État avait été remboursée intégralement. C’était une perturbation