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par cette raison même beaucoup plutôt qu’ils ne pensent. Ce grand butin qu’ils ont fait sur les meilleurs citoyens sera dispersé entre tant de mains différentes que l’effet en deviendra presque insensible pour chacun. Les marchands, les artisans, les objets ou les compagnons de leurs débauches, voudront jouir à leur tour d’une abondance qui se répandra sur eux, et peut-être l’événement fera voir dans quelques années que des fortunes si monstrueuses auront fait beaucoup de pauvres et n’auront pas fait beaucoup de riches. Il y aura un petit nombre de têtes sensées, qui emploieront ou au paiement de leurs dettes ou en fonds de terre des richesses si fragiles ; le reste les consumera en plaisirs, en luxe et en d’autres dépenses également frivoles, à peu près comme ceux qui ont fait des gains immenses au jeu et à qui, pour l’ordinaire, après un certain temps, il n’en reste que le souvenir.

Une des maximes du nouveau système est que le transport de l’or et de l’argent hors du Royaume est une chose indifférente et plutôt utile que nuisible à l’État… Il est certain que le transport des espèces ne peut être utile à l’État que lorsqu’il sert à en acquitter la dette à l’égard de l’Étranger, parce qu’alors le change nous devenant favorable peut faire rentrer avec usure les fonds qui ont été transportés hors du royaume. Mais ici tout l’or et tout l’argent que les étrangers ont emporté avec eux a une cause nouvelle, une cause qui n’a rien de commun avec la dette de l’État, qui ne s’impute point sur cette dette et qui ne la diminue en aucune manière. Nous demeurons toujours également débiteurs de l’Étranger et nous perdons une partie des moyens de nous acquitter par l’or et l’argent que nous laissons échapper. D’un côté nous ne nous acquittons pas et de l’autre nous nous appauvrissons. C’est ainsi que les hommes ont accoutumé de se ruiner…

Les remboursements que le Roi fait et l’impression que ce premier mouvement ou le produit des actions fait sur le reste de l’argent et sur les remboursements des particuliers fait perdre un revenu non seulement utile, mais nécessaire à plusieurs familles ; et en même temps qu’elles souffrent cette perte, il ne leur reste aucune ressource pour la réparer en se procurant un autre revenu.

Sur les terres ou sur les maisons, on perd, par le prix excessif que les nouveaux favoris de la fortune y mettent, les quatre cinquièmes ou du moins les trois quarts du revenu dont on jouissait auparavant. Sur les emplois ou contrats de constitution, qui deviennent plus rares que jamais, il faut perdre à peu près la moitié de l’ancien revenu. Le fonds est encore plus en danger que le revenu même. Le conservera-t-on en argent ? Mais est-il permis, est-il sûr de le faire et s’exposera-t-on au hasard des recherches rigoureuses dont on est