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imprima de parti pris à l’agiotage sur ses actions, enfin par la liaison des finances publiques aux affaires de la Compagnie.

La conversion de rentes accomplie par Pontchartrain en 1698 prouve qu’il y avait en France, dès cette époque, grâce aux habitudes nationales d’épargne, une certaine quantité de capitaux disponibles. Les étrangers en apportèrent aussi au début ; mais surtout la masse de billets du Trésor et de titres de rente, qui étaient en circulation, ayant repris tout à coup sa valeur au pair et étant admis comme monnaie dans les paiements, le public, auquel on offrait des perspectives de gains fantastiques se lança dans le jeu avec une folie, semblable à celle qui sévissait à ce moment-là en Angleterre, mais dont jamais on avait vu d’exemple en France. Les contemporains, depuis le grave Daguesseau jusqu’à Barbier, en ont retracé le tableau en traits qui sont connus de tous. Nous en détacherons seulement quelques indications économiques.

A la fin du règne de Louis XIV une bourse pour les négociations des effets royaux s’était établie dans la rue Quinquempoix où les banquiers avaient leurs boutiques (§ 5), et à certains moments les transactions y avaient été très actives. En 1719, elles atteignirent leur paroxysme. Six cent vingt-quatre mille actions de la Compagnie du Mississipi avaient été créées. 200.000 étaient en circulation : les autres étaient dans les caisses de la Banque, qui les vendait à prime à six mois. Des désordres matériels firent interdire les réunions de la rue Quinquempoix. Les spéculateurs se réunirent successivement, poursuivis toujours par la police qui n’en venait pas à bout, place des Victoires, place Vendôme, dans les jardins de l’hôtel de Soissons, dans des cafés et des auberges.

La fièvre de spéculation, qui s’était répandue dans tous les ordres de l’État, avait fait monter jusqu’à 18.000 livres les actions de la Compagnie de 500 liv. Law avait poussé à cette hausse insensée en émettant, dès sa seconde augmentation de capital, les actions à une forte prime, en échelonnant les paiements par dixièmes et par vingtièmes, en faisant des avances sur dépôt d’actions à 2 p. 100 d’intérêt, enfin en faisant racheter