Page:Jannet - Le capital, la spéculation et la finance au XIXe siècle, 1892.djvu/470

Cette page n’a pas encore été corrigée

L’édit de 1705 mentionne spécialement parmi les valeurs que négociaient les agents de change les billets des sommes que les compagnies délibèrent d’emprunter. Les Compagnies privilégiées pour le commerce avaient déjà eu recours au mode d’emprunt sous forme d’obligations (actions rentières, disait-on alors), qui était très usité en Hollande[1].

Les discussions que la constitution de la Banque d’Angleterre et de la Banque d’Écosse avait soulevées, avaient eu du retentissement jusqu’en France, et Law faillit être supplanté par un faiseur de projets aussi chimériques que les siens et reposant sur les mêmes données. Un ancien trésorier des guerres, originaire d’Auvergne, de la Jonchère, soumit au Régent un projet consistant à charger de toute l’administration financière du Royaume une compagnie au capital de six milliards de livres et qui eût été ultérieurement porté à douze. La compagnie devait payer les dettes de l’État, rembourser toutes les charges, percevoir tous les impôts qu’elle s’engageait à réformer à fond, et solder les dépenses publiques moyennant la concession du monopole de tout le commerce extérieur, et du commerce du blé, du vin, du bois, du foin à l’intérieur. Les actions devaient être de 5.000 livres. La compagnie aurait avancé à bureau ouvert 1.000 livres sur chaque action à raison de 1 p. 100 d’intérêt par mois[2].

On voit combien les idées de crédit appliqué aux affaires des particuliers et aux affaires publiques étaient dans l’air. Seulement, avant d’en acquérir la pratique, il fallait, semble-t-il, que la France passât par une dure expérience.

VI. — C’est après la banqueroute qui suivit la mort de Louis XIV que l’Écossais Law, fils d’un orfèvre banquier d’Édimbourg[3],

  1. On organisait partout des sociétés par actions privilégiées. Un peu plus tard, en 1729, Voltaire, apprenant qu’on crée à Nancy une société par actions sous le patronage du duc, s’y rend en poste. Il réussit à souscrire 50 actions par la complaisance d’un prête-nom, car elles étaient réservées aux sujets du duc. «  J’ai profité de la demande de ce papier assez promptement, écrit-il peu après, et j’ai triplé mon or. » V. Desnoireterres, la Jeunesse de Voltaire, p. 412.
  2. V. dans le Journal des économistes de février 1863 : Un émule de Law, par de Lavergne.
  3. Dans cet exposé du système de Law et de sa liquidation, nous avons suivi surtout l’Histoire des banques en France, de M. Alph. Courtois (2e édit., Guillaumin, 1881).