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9.000.000 que Samuel Bernard rapporta spontanément. Antoine Crozat fut taxé à 6.600.000 livres, du Rey de Vieuçant à 5.200.000, Romanet à 4.453.000, Pierre Marengue à 1.500.000, Hurault à 1.125.000, Ferlet à 900.000, Darally à 887.000, Ambert à 710.125, La Vieuville à 600.000, Duhamel, Desages et Desmarets à des sommes aussi considérables.

En réalité, une centaine de millions seulement furent versés au Trésor. La plupart des riches financiers obtinrent des remises, tandis que les petits et les moyens étaient réduits au désespoir par des condamnations, dont quelques-unes furent sans doute injustes[1]. Ainsi se vérifiait la sagesse de Sully qui, en 1607, avait repoussé la proposition d’une chambre de justice comme « étant l’occasion d’un trafic honteux entre ceux qui ont besoin de protection et ceux qui en ont à vendre ».

Les chiffres de ces taxes indiquent que les profits des Traitants étaient énormes et comment ils avaient pu amasser des fortunes au milieu des ruines des dernières années de Louis XIV. Vauban estimait que le corps des Traitants avait en six ans gagné cent millions de livres dans les fermes des impôts et les fournitures militaires[2]. Mais ces profits excessifs étaient la conséquence même de la ruine du crédit public, de l’appréhension que contracter avec le Trésor causait à l’épargne, enfin des risques auxquels les Traitants étaient exposés. Richelieu, dans son Testament politique, parle des restitutions que chaque Chambre de justice faisait opérer au profit du Trésor comme d’une ressource normale et régulière. Il en connaît cependant les abus et dit qu’il vaudrait

  1. Duhautchamp, Histoire du Visa, t. I, p. 14. Voltaire avait fait en 1717 une satire contre la Chambre de justice en faveur des Traitants. En 1721 il en fut récompensé par une participation dans une affaire financière obtenue suivant l’usage moyennant des pots-de-vin donnés aux personnes de la cour. V. Desnoireterres, la Jeunesse de Voltaire (1867), pp. 165-166, 216-221.
  2. Correspondance des contrôleurs généraux avec les intendants. Projet de capitation présenté par M. de Vauban en 1694, appendice, p. 563. Daguesseau, Mémoire sur le commerce des actions de la Compagnie des Indes, disait un peu plus tard : « Le mal que le luxe des Financiers avait causé dure encore et quelle proportion leur gain ou leur dépense avaient-ils avec ce que nous voyons aujourd’hui et ce que nous entendons dire des actionnaires ? »