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qu’il avait fait établir contre eux, fit rendre un arrêt du Conseil contre ceux qui avanceraient de l’argent sur de nouveaux impôts. Il voulait par cet arrêt comminatoire, qui ne fut jamais imprimé, effrayer la cupidité des gens d’affaires ; mais, bientôt après, il fut obligé de se servir d’eux sans même révoquer cet arrêt[1].

Ce dernier trait indique les mesures auxquelles le gouvernement recourait pour leur faire rendre gorge. Après les réductions des billets du Trésor et les diminutions des rentes, la plus en faveur était l’institution d’une chambre de justice composée de commissaires et investie du pouvoir de taxer arbitrairement à des restitutions les personnes qui avaient fait des contrats avec le Roi ou qui avaient eu, en raison de leur charge, des maniements de deniers. En 1624 et 1625 une commission de ce genre avait fonctionné avec plus ou moins de succès[2]. Par un édit d’avril 1635, on se borna à taxer les officiers de Finance au Conseil à proportion du temps de leur maniement, supposant que plus ils avaient exercé leur charge, plus ils avaient dû voler ! En 1661, une nouvelle Chambre de justice fit rentrer dans les caisses de l’État 61 millions[3]. Dans les dernières années de Louis XIV, les Traitants durent restituer d’abord 24 millions, puis 15.

La Chambre de justice constituée en 1716 rendit le 10 novembre un arrêt portant que tous les gens ayant eu part aux affaires du roi seraient obligés de payer les quatre cinquièmes de leurs biens nouvellement acquis et devraient justifier de leur état de fortune antérieur. 4.410 personnes furent traduites devant elle et condamnées à des restitutions. Un manuscrit des Archives signalé par M. E. Levasseur sous le titre de Journal de la Régence donne la liste des taxes ainsi levées. Elles s’élevèrent à 219 millions sur lesquels

  1. Encyclopédie méthodique, vis Partisans et Traitants.
  2. Cette mesure avait été prise uniquement contre le surintendant Lavieuville et Beaumarchais, son beau-père, qui s’était enrichi de 10 millions en quelques années depuis qu’il était trésorier de l’Epargne. Une fois ces deux condamnations prononcées, un édit du 2 mai 1625 révoqua la Chambre avec une abolition pour les gens de finance à charge de payer les taxes auxquelles ils pourraient être condamnés par le Conseil. Cette recherche fit rentrer dans les coffres du Roi, 10.800.000 livres. V. d’Artigny, Mémoires, t. V, pp. 57-58.
  3. D’Avenel, Richelieu et la Monarchie absolue, t. IV, p. 24 ; Vuitry, lot. cit.