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Traitants. On appelait ainsi tous ceux qui, moyennant une somme fixe payée à l’avance au Trésor, se chargeaient à forfait d’une émission de rentes ou d’une création d’offices[1], prenaient un parti, selon le langage du temps. Voici comment en parle Forbonnais dans ses Recherches et considérations sur les finances :

Il avait été fait diverses créations de rentes pour en appliquer le capital à des remboursements d’offices de gages et d’aliénations supprimées, dans le dessein d’en réunir le produit aux fermes. Mais les liquidations nécessaires en cette circonstance fournirent le prétexte de plusieurs vexations. Les effets publics se trouvèrent tellement multipliés qu’ils s’avilirent, parce que l’État n’y pouvait faire honneur. Par divers traités avec les gens d’affaires, on entreprit soit de rembourser des charges et des rentes, soit de retirer des aliénations au profit du roi ; ces traités n’ont servi qu’à leur faciliter de nouvelles rapines. Le besoin continuel où l’on était d’eux, leurs alliances avec les premières familles de l’État avaient engagé le ministre à dissimuler. Les Partisans, au lieu de procurer au roi au moins une partie du bénéfice qu’offrait l’achat des effets décriés, les achetèrent eux-mêmes à vil prix et les passèrent en compte à peu près sur le pied de la constitution originaire. Pour couvrir ce manège, ils se procuraient des ordonnances du comptant sur le trésor royal et en y remettant les contrats quittancés ils paraissaient avoir rempli leurs engagements.

D’autres plus adroits passaient les remboursements au roi sur le pied effectif où ils les avaient faits, mais se faisaient donner des remises si considérables sur d’autres traités que de toutes les manières l’État s’obérait sous leurs usures ; car on leur accorda jusqu’au tiers de remise avec quinze pour cent d’intérêt. Pour les rembourser eux-mêmes, il fallait de nouveau créer d’autres rentes et d’autres charges, qui se mettaient encore en parti à une remise considérable et qui se négociaient dans le public sur le pied du denier quatre ou cinq.

Colbert quelque temps après la dissolution de la Chambre de justice

  1. C’était un des modes de recours au crédit les plus usités à l’époque. V. une lettre de Pontchartrain en novembre 1689 à l’intendant du Languedoc, à propos de l’établissement d’un siège de Présidial au Puy : « Il ne reste plus que de savoir si on les débitera (ces offices) dès à présent au profit du Roi ou si S. M. ne trouverait pas même son compte à en charger la province. Il sera toujours bon de vous assurer de marchands pour les débiter. » Correspondance des contrôleurs généraux avec les intendants, publiée par M. de Boislile, t. I, n° 778.