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un capital de 125 millions : c’était une perte de moitié pour les déposants. Les altérations de valeur des monnaies et leur refonte complétaient ces procédés. De 1689 à 1715, le cours légal des espèces d’or et d’argent ne changea pas moins de quarante-trois fois, tantôt abaissé, tantôt relevé, de manière à ce que le Trésor gagnât à chacune de ces alternatives. Les créations d’office adjugées en bloc à des soumissionnaires suivant le système d’Henri III et de Richelieu furent multipliées au delà de toute mesure. C’est ce qu’on appelait dans le langage du temps des affaires extraordinaires. Malgré cela, il aurait fallu à la mort de Louis XIV, d’après les comptes de Desmarets, 889 millions de livres pour payer les dettes exigibles et les arriérés de toute nature. D’après d’autres calculs faits par M. Vuitry, la dette montait à 2 milliards 382 millions, dont 1.200 millions immédiatement exigibles. La valeur intrinsèque de la livre étant, le 1er septembre 1715, de l fr. 78, ces 1.200 millions représentaient 2 milliards 136 millions de francs en monnaie actuelle. Le premier acte du Régent fut d’ordonner de nouvelles réductions sur les rentes et une révision de tous les engagements du Trésor. Tous les billets émis par lui furent échangés, suivant les catégories dans lesquelles ils avaient été classés, contre de nouveaux billets d’État productifs d’intérêt à 4 p. 100 dans la proportion de un, deux, trois, quatre cinquièmes, parce que, suivant un procédé usité encore aujourd’hui pour les émissions de rentes (chap. x, § 3), le Trésor avait reconnu aux porteurs de ces billets des sommes supérieures au capital réellement versé. 600 millions de billets furent ainsi échangés contre 250 millions de nouveaux billets ; mais ces titres perdirent immédiatement 70 p. 100 de leur valeur nominale[1].

Ce coup d’œil sur le système financier du xviie siècle était nécessaire pour faire comprendre ce qu’étaient les Partisans ou

  1. Les abus du crédit et le désordre financier à la fin du règne de Louis XIV, par Vuitry (Revue des Deux Mondes, l5 décembre 1883 et 15 janvier 1884) ; M. Vuhrer (Hist. de la dette publique en France (1886), t. I, p. 142, estime qu’il est impossible d’évaluer avec certitude le montant de la dette publique, au moment de la mort de Louis XIV.