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trouvait réduit pour avoir de l’argent. En vain émettait-il des rentes, ou créait-il de nouveaux offices et des augmentations de gages en blanc, ce qui était une sorte de rentes, le public ne se décidait pas à les prendre. Il fallait les adjuger en bloc à des individus, qui en faisaient l’avance moyennant des rabais considérables, et qu’on appelait les Traitants. Dans les dernières années de Louis XIII, les fonds d’État se négociaient sur le pied du denier 2, c’est-à-dire qu’ils étaient capitalisés à 50p. 100. Voyant cela, le ministère imagina d’amortir la dette en faisant racheter sous main par ses banquiers et pour son compte une certaine quantité de rentes. Mais ces agents infidèles profitèrent de l’occasion pour voler encore plus le Trésor en lui passant au cours nominal des titres rachetés par eux au quart de leur valeur primitive[1]. A la mort de Richelieu, le Trésor devait 21 millions de livres en rentes annuelles. Pendant la régence et le ministère de Fouquet, la dette avait monté à 52 millions de rente. Colbert remit de l’ordre dans les finances, et réduisit la dette à 8 millions de rente. Son successeur, Pontchartrain, put encore, en 1698, faire une conversion de rentes au denier 20 sur un capital de 320 millions. Mais, avec la guerre de la succession d’Espagne, on retomba dans les désordres du temps de Richelieu et de Mazarin. Les rentes furent réduites arbitrairement à plusieurs reprises par des banqueroutes partielles, notamment en 1710 et en 1713. En 1715, quelques jours avant la mort du roi, le contrôleur général Desmarets s’empara de la Caisse des emprunts sorte de banque que les fermiers généraux avaient instituée en 1674, puis renouvelée en 1680, pour faire face aux avances que leur demandait le Trésor royal. Elle recevait les dépôts du public à vue et leur allouait un taux d’intérêt qui alla par moments jusqu’à 10p. 100[2]. Desmarets, en s’emparant de la Caisse, amortit les 250 à 300 millions de livres qu’elle devait en donnant aux créanciers des rentes 4p. 100 émises pour

  1. V. Richelieu et la monarchie absolue, par d’Avenel (Plon, 1884), t. II, pp. 323-324, 334, 365, 361.
  2. La Banque d’Écosse en 1696 alloua pour la première fois un léger intérêt aux dépôts à vue.