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En 1720, toute cette fantasmagorie s’écroula, ne laissant que des ruines et montrant à quel entraînement pouvaient se laisser gagner les hautes classes, les gens de lettres, la bourgeoisie elle-même. Le Parlement, dont presque tous les membres individuellement avaient pris part à cette débauche d’agiotage, la flétrit comme corps et ordonna des poursuites contre ses promoteurs pour avoir corrompu des personnages publics.

La spéculation dans Exchange Alley portait à la fois sur les primes faites par les actions à leur émission et sur les variations des cours de la rente et des valeurs avec toutes les manœuvres qui se pratiquaient couramment à Amsterdam. De nombreux Juifs hollandais avaient suivi Guillaume III et étaient devenus les principaux habitués de l’Allée. Au temps de la reine Anne, un jour un homme bien vêtu parut sur la route royale galopant à toute bride : il annonçait la mort de la reine et la nouvelle se répandit rapidement dans Londres. Les fonds tombèrent rapidement ; mais, tandis que les agioteurs chrétiens se tenaient à l’écart, frappés de stupeur, Manasseh Lopez et le parti juif achetaient avec empressement à la baisse, ce qui les fît soupçonner d’avoir été les auteurs de cette manœuvre. Un autre riche Israélite, Médina, accompagnait Marlborough dans ses campagnes et lui payait une redevance annuelle de 6.000 liv. st. pour être informé le premier par des exprès du gain de ses batailles[1].

Nous en resterons sur ce dernier trait ; ce qui caractérise cette époque, c’est la corruption financière de la haute classe anglaise. Le Parlement était vénal et naturellement les hommes de cour et les ministres trafiquaient avec les agioteurs de leur influence et des secrets de l’État.

IV. — La France était demeurée fort arriérée sous le rapport financier, relativement à la Hollande et à l’Angleterre.

Il faut lire dans les histoires de Richelieu quel était le désordre des finances et à quelle impuissance le Trésor royal se

  1. John Francis, Histoire de la Bourse de Londres, pp. 28, 32, 50 : un bill voté en 1753 accorda aux juifs les droits de citoyen.