Page:Jannet - Le capital, la spéculation et la finance au XIXe siècle, 1892.djvu/454

Cette page n’a pas encore été corrigée

servait de communication entre celles de l’Orient par Venise et par Salonique, et celles de l’Occident, notamment celle de Londres, qui était tolérée ostensiblement, et celles de France, qui étaient alors extrêmement secrètes. C’est dans leurs réunions du sabbat qu’ils combinaient entre eux, ajoute-t-il, toutes leurs manœuvres de bourse de la semaine.

Un groupe de Maranes Portugais chassés par la persécution était en effet venu s’établir en 1593 à Amsterdam.

La petite communauté s’accrut rapidement, dit M. Théodore Reinach, et en quelques années elle comptait déjà quatre cents familles possédant trois cents maisons. Les magistrats voyaient d’un bon œil l’arrivée des fugitifs, qui apportaient au commerce naissant d’Amsterdam le précieux concours de leurs capitaux, de leur expérience et de leurs accointances secrètes avec beaucoup de faux chrétiens établis dans les deux Indes… En 1619, on décida d’autoriser leur séjour et l’exercice public de leur culte ; on ne leur imposa ni marque extérieure ni impôt extraordinaire d’aucune sorte. Les seules restrictions auxquelles ils furent soumis, et qui n’en étaient pas à leur point de vue, furent la défense d’épouser des femmes du pays et celle d’aspirer aux emplois publics[1].

La colonie juive d’Amsterdam acquit, dans le courant du siècle, une grande importance[2]. C’est là que les Juifs du midi de l’Europe : Portugais, Espagnols, Italiens se sont reformés, peut-on dire, et ont développé les traits propres au Judaïsme occidental[3]. Pendant ce temps, les Juifs d’Allemagne étaient refoulés en Pologne et en Moscovie, à l’exception d’un petit nombre de familles, qui gagnèrent la protection des princes ou des autorités des villes libres.

Au commencement du siècle suivant, les transactions de la

  1. Histoire des Israélites (Hachette, 1885), pp. 238-239.
  2. En 1781, le Traité général du commerce (in-4, Amsterdam) constate que pour cinq cents courtiers non jurés chrétiens, il y a cinquante courtiers juifs, et pour trente-trois cargadors (courtiers maritimes) chrétiens cinq juifs (tome I p. 71). Le magistrat avait établi ces proportions pour maintenir une pondération entre les éléments commerciaux de la ville. Les courtiers jurés étaient nécessairement chrétiens.
  3. D’après M. Th. Reinach (Histoire des Israélites, p. 247), la communauté juive de Hambourg, formée de réfugiés portugais, avait eu une grande part à l’établissement de la Banque de cette ville.