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au profit seulement des créanciers et des intermédiaires[1].

VIII. — Il est assez naturel que la Haute-Banque voie avec mauvaise humeur les gouvernements multiplier des conversions qui diminuent à la longue ses revenus, et que, quand ces gouvernements n’ont pas vis-à-vis d’elle une position absolument indépendante, elle leur inflige une leçon comme celle qu’a reçue la Russie en 1891 (§ 6).

Mais d’une manière générale les conversions trop multipliées, celles que l’accord combiné des gouvernements et de la Finance impose de haute lutte au public, ont des inconvénients incontestables. Les titres nouveaux que l’on substitue aux anciens ne sont pas classés de longtemps. Les petits capitalistes pourchassés de la rente de leur pays se rejettent sur des fonds exotiques où ils font de lourdes pertes et il arrive un jour où une réaction, excessive comme toute réaction, ramène en arrière le taux de capitalisation. C’est ce qui s’est produit en Allemagne : des conversions trop multipliées des fonds prussiens en 3 1/2p. 100 et en 3 p. 100, poursuivies pendant les années 1889 et 1890, ont amené le déclassement du nouveau fonds, et, quand les banquiers ne l’ont plus soutenu, il a baissé malgré les souscriptions multiples dont on avait fait parade[2].

Ces considérations s’appliquent à plus forte raison à la rente française, dont le cours s’élève constamment depuis quatre ans, moins par l’amélioration du crédit de l’État que par la concentration automatique sur la rente de tous les fonds libres de la Caisse des dépôts et consignations.

Notre législation sur les caisses d’épargne leur permet de recevoir des dépôts jusqu’à concurrence de 2.000 francs par tête tout en une fois ; ces dépôts sont attirés par l’appât d’un intérêt, 4 p. 100, très au-dessus du taux normal de l’intérêt pour des fonds qui restent ainsi disponibles ; enfin ces fonds doivent être versés obligatoirement à la Caisse des dépôts

  1. V., chap. ix, § 15, la note relative aux opérations de la première Société financière franco-suisse.
  2. V. A. Raffalovich, le Marché financier en 1891, pp. 58 et 61,