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par la négociation directe à la Bourse[1] ou par la vente à bureau ouvert chez les agents du Trésor, comme le font les compagnies de chemins de fer, qui placent ainsi leurs obligations au moindre coût.

Mais dès qu’un gouvernement veut avoir des souscriptions multiples, il ne le peut qu’en abaissant le taux d’émission sensiblement au-dessous de celui du marché et en faisant des avantages excessifs aux banquiers, qui sont les souscripteurs réels et qui ne se prêtent à cette fantasmagorie que moyennant un gros profit.

L’Empire, voulant raffermir son prestige déjà fort ébranlé en 1868, avait donné l’exemple de ces pratiques, pour obtenir une souscription de 15 milliards à un emprunt de 500 millions. Tous les gouvernements postérieurs l’ont suivi. Pour n’en citer qu’un exemple, lors de l’emprunt du 10 janvier 1891, qui a été souscrit 16 fois et demie, la Compagnie des agents de change a versé au ministère des finances, comme dépôt de garantie, 453 millions, la Banque de Paris 203 millions, le Comptoir d’escompte 110 millions, le Crédit lyonnais 297 millions, le Crédit foncier 170 millions, et ainsi des autres sociétés de crédit. En définitive, sur 28 millions de rentes offertes au public, 110 souscripteurs ayant demandé 347 millions ont reçu 20 1/2 millions. Deux millions de rente seulement se sont trouvés classés entre les mains de 255.000 souscripteurs. Ceux qui détenaient le reste ne songeaient naturellement qu’à revendre avec bénéfice[2].

Tout cela évidemment n’est pas sérieux, et M. Leroy-Beaulieu fait justement remarquer qu’il y a quelques années certaines émissions en Portugal et en Russie ont été souscrites cent fois, laissant bien loin en arrière les succès du gouvernement de la République ! La vérité est que les moyens souscripteurs ne peuvent avoir de titres à rémission, parce qu’ils ne peuvent immobiliser les sommes nécessaires à un versement de garantie qu’il faut multiplier ainsi et qu’ils ne

  1. M. Léon Say, en 1878, a placé ainsi une partie du 3 p. 100 amortissable.
  2. V. A. Raffalowich, le Marché financier en 1891, p. 26.