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douze ans. La situation en ce qui concerne les dettes est bien pire encore ; en 1873 la dette hongroise était de 221 millions de florins ; en 1885, elle était de 1.461 millions, et aujourd’hui elle dépasse 1.600 millions :elle a donc septuplé en douze ans ; et M. Tisza ose en faire vanité !

Cette situation financière est donc fortement obérée ; mais il faut y ajouter la part de la dette autrichienne et la part de la dette flottante commune. La Hongrie devait sur ces deux chapitres, en 1873, 700 millions : aujourd’hui cette part ne figure dans l’Almanach de Gotha que pour mémoire, sans qu’il en donne le chiffre. De l’aveu de cet annuaire, la part hongroise monte à environ 30 p. 100 ; or, la dette flottante ayant été, en 1885, de 411 millions de florins, et la dette générale de 2.772 millions, au total 3.183 millions, cela fait, pour la part hongroise de 30 p. 100 de la totalité, 975 millions.

Ainsi, tandis que la dette commune n’a augmenté que de 40 p. 100 en douze ans, la dette hongroise a augmenté de 700 p. 100.

En effet, M. de Rothschild a dû faire de singuliers efforts pour arriver à emprunter tant d’argent pour la Hongrie, pour trouver au ministère de M. Tisza des créanciers bénévoles…

Depuis 1879, le gouvernement hongrois fait publier annuellement dans l’Almanach de Gotha l’état de ses biens publics ! Ni le Haïti, ni le Honduras, et encore moins la Grèce, le Portugal, la Serbie, États qui sont connus pour placer le plus difficilement leurs emprunts, n’ont jamais eu recours à ce procédé. Or, ce qui a été publié, évidemment en vue de rassurer les créanciers, prouve ce qu’il en est en réalité, ainsi en 1879, le ministère Tisza estime que les domaines valaient 53 millions, les forêts 26 millions ; cinq après, en 1884, il fait figurer les domaines pour 65 millions, les forêts pour 101 millions ; la valeur des forêts aurait donc quadruplé en cinq ans ! Dans ce tableau des biens publics, M. Tisza a même fait entrer le pont suspendu de Budapesth et le pont de l’île Sainte-Marguerite, qu’il estime 13 millions en 1879 et 15 millions, cinq ans plus tard ! La situation n’a fait que s’aggraver depuis 1885 ; le fait de trouver des prêteurs, en présence d’une situation financière pareille, n’est pas payé trop cher par un tabouret à la cour.

Au contraire, les États-Unis, l’Angleterre, les grandes cités anglaises, les colonies australiennes ou canadiennes n’ont pour leurs emprunts ou leurs opérations financières à subir le contrôle d’aucune maison de banque si puissante qu’elle soit. Ces maisons recherchent leurs fonds comme placement de leurs réserves et gagnent à peine une commission légère dans ces