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s’être jeté aveuglément dans les bras de la Haute-Banque et de lui avoir fait des conditions trop favorables, dans le désir d’obtenir pour ses emprunts des souscriptions multiples capables de soutenir son prestige personnel. Peut-être n’a-t-on pas assez tenu compte dans ces critiques de la prise terrible que la Haute-Banque avait sur la France à cause de la nécessité de payer à l’Allemagne dans un délai fixe une somme aussi colossale et des perturbations du change qu’elle était maîtresse de déchaîner.

Quoi qu’il en soit, le premier emprunt fut émis au taux beaucoup trop bas de 82 fr. 50, tandis qu’il eût pu l’être à celui de 88 francs 33, eu égard au cours de 53 fr. où le 3 p. 100 était à la même époque. Des sommes énormes furent allouées aux banquiers à titre d’escompte et de commissions qui figurent dans les comptes sous le titre élastique de frais d’émission. Sur l’emprunt de 2 milliards (1871), qui produisit brut 2.225.994.015 francs, les frais se sont élevés à 82.671.196 francs, soit 3 3/4 p. 100 ; sur l’emprunt de 3 milliards (1872), qui a produit brut 3.498.744.639 francs, les frais ont monté à 84.739.343 francs, soit 2 1/2 p. 100[1]. En 1871, dès le lendemain de l’emprunt, le nouveau fonds faisait 2 fr. 50 de prime. Le bénéfice réalisé par les banquiers était d’autant plus exorbitant que le versement en espèces de 14 fr. 50 sur chaque unité de rente n’était exigé que des petits souscripteurs. Pour les versements faits à l’étranger ou à Paris par les agents de change, on se contentait de dépôts de titres de toute espèce, de traites qui n’étaient souvent que du papier de complaisance, de crédits en liquidation à la Bourse résultant d’un certificat d’agent de change !

Les banquiers allemands, belges ou italiens ne firent aucun versement, dit M. Amagat. On ne leur demanda même pas du papier pour garantie ; on se contenta de leur parole. Ils n’étaient tenus de verser leurs 14 fr. 50, par 5 francs de rente, qu’au moment de la répartition, et, au moment de la répartition, ils avaient écoulé leurs

  1. P. Leroy-Beaulieu, Science des finances (4e édition, t. II), p. 350 et p. 363.