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publiques sont pour elles l’occasion de profits exceptionnels. On vient de voir comment, en Angleterre, à l’époque des grandes guerres continentales, elle avait profité des embarras financiers du pays et du régime du papier-monnaie pour introduire un mode d’emprunt particulièrement favorable à ses intérêts. Nebenius, qui écrivait à Bade en 1821, disait que la guerre était le temps de moisson des capitalistes et Le Play est allé jusqu’à dire :

Une influence toute nouvelle tend à déchaîner le fléau de la guerre. C’est celle de certains manieurs d’argent qui, appuyés sur l’agiotage des bourses Européennes, fondent des fortunes scandaleuses sur les emprunts contractés pour les frais de la guerre et pour les rançons excessives imposées de nos jours aux vaincus[1].

Après les désastres de 1815, la Restauration dut, pour ses premiers emprunts, subir toutes les conditions que les banquiers lui imposèrent. L’essai qu’elle fit en 1818 de rémission d’un emprunt par voie de souscription publique était prématuré. Quelques années plus tard, grâce à la bonne politique et à l’intégrité des hommes qui exerçaient le pouvoir, le crédit public était si fermement assis que le gouvernement royal était le maître de la situation. En 1826, M. de Villèle était en mesure de convertir le 5 p. 100 en 3 p. 100, si l’opposition combinée de l’extrême droite et de la gauche n’eût fait échouer son plan si judicieusement conçu. Les derniers emprunts de la Restauration furent émis dans des conditions d’autant plus avantageuses que le gouvernement amortissait en même temps ses dettes anciennes les plus onéreuses[2]. En 1830, les Rothschild se chargeaient d’un emprunt en 4 p. 100 au taux de 102,075 ! La révolution de Juillet survint, et immédiatement les Rothschild, qui, dans les conseils européens, avaient voix au chapitre sur la paix et la guerre, en profitèrent pour faire modifier le contrat à leur avantage.

La même manœuvre se répéta après la révolution de 1848.

  1. La Constitution essentielle de l’humanité (Mame, 1881), p. 247.
  2. Vuhrer, Histoire de la dette publique en France (Paris, 1887), t.II, p. 179