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emprunta à Barclay, Herring, Richardson et C° de Londres 3.200.000 l. s. au 6p. 100, dont la plus grande partie ne fut pas versée en argent, mais payée en fournitures d’armes, de munitions, de navires livrés à des prix exorbitants[1]. On comprend que les malheureux peuples chargés de dettes intolérables contractées dans de pareilles conditions recourent à la banqueroute ou imposent des concordats à leurs créanciers[2] ; mais pour qu’ils pussent en retirer un bénéfice, il faudrait qu’ils ne recourussent pas en même temps de nouveau au crédit, ce qui est une occasion pour les banquiers, émetteurs et lanceurs d’emprunts, de se rattraper.

La même chose s’est passée en 1891 pour le Portugal. M. A. Raffalovich, avec sa grande compétence, fait ainsi ressortir les causes de la ruine de ce pays et en dégage les responsabilités morales :

Les principaux facteurs de la ruine du Portugal ont été la corruption des classes officielles, l’assistance des financiers qui ont fourni les fonds pour alimenter la dette flottante et qui y ont réalisé de gros bénéfices, la faiblesse du gouvernement disposé à emprunter plutôt qu’à imposer… Il faut y ajouter les relations étroites du Trésor avec la Compagnie royale des chemins de fer portugais, avec certaines banques de Lisbonne… Il est triste pour le public, surtout pour les petits porteurs qui ont acheté de confiance sur la foi des prospectus signés de noms honorables, de voir qu’ils sont toujours sacrifiés aux créanciers de la dette flottante. Pourquoi cette différence de traitement ? C’est qu’on retrouve toujours des badauds pour souscrire à des emprunts et qu’il est beaucoup plus dangereux de se mettre mal avec les financiers, dont les avances usuraires alimentent la dette flottante[3].

V. — Les gouvernements modernes, qui recourent incessamment et sans mesure au crédit, se mettent fatalement à la merci de la Haute-Banque ou de la Finance cosmopolite, dont nous décrirons la composition au chapitre xii. Les calamités

  1. V., dans l'Economiste français du 31 mars 1888, l’étude de M. A. Raffalovich sur les finances mexicaines.
  2. M. P. Leroy-Beaulieu a fait avec grande raison une place aux concordats entre les Etats débiteurs et les créanciers, dans son Traité de la science des finances, t. II, pp. 521-531 (4e édit.).
  3. Le Marché financier en 1891, pp. 130 et 155.