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Plus récemment, dans son intéressante histoire de l’Union générale, M. Bontoux s’est fait un mérite auprès de ses clients français des conditions qu’en 1881 il avait réussi à obtenir du gouvernement de Belgrade pour la construction des chemins de fer serbes. Les Serbes n’avaient sans doute pas lieu d’être aussi satisfaits ; car ils ont profité très habilement de la chute de l’Union générale pour obtenir de la société qui reprit l’affaire un rabais de 33.000 francs par kilomètre sur le prix de 198.000 fr. stipulé par M. Bontoux, et la nouvelle société y a encore gagné !

Il n’y a rien d’étonnant à ce que les gouvernements, après avoir compromis ainsi les intérêts de leurs peuples, cherchent à un moment donné à les sauvegarder par la banqueroute. C’est ce qu’ont fait successivement et dans des mesures diverses les Turcs, les Égyptiens, les Péruviens. Ils peuvent invoquer dans le passé d’illustres exemples, ne fût-ce que celui d’Édouard III en 1339, qui fit aux Peruzzi et aux Bardi de Florence une banqueroute de un million cinq cent mille florins d’or ; cela ferait 60 millions de francs de notre monnaie, somme énorme pour l’époque[1].

Les emprunts faits par les gouvernements de l’Amérique espagnole, depuis la proclamation de l’Indépendance, ont toujours été pour les souscripteurs européens l’occasion de durs mécomptes. De 1822 à 1826, ils empruntèrent à l’Angleterre pour 10.150.000 livres st. (233.750.000 francs) à des taux représentant en moyenne 8 p. 100 ; mais, à partir de 1826, les intérêts de tous ces emprunts ne furent plus payés[2]. Cela n’a pas empêché, cinquante ans plus tard, ces pays de trouver encore des bailleurs de fonds sur les marchés européens. Il faut dire que les banquiers qui émettaient ces emprunts ont généralement fait, au moins pendant la première période, des profits personnels, qui justifient l’expression proverbiale de pécher en eau trouble. Ainsi, en 1825, le Mexique

  1. V. Storia del commercio e dei banchieri di Firenze dal 1200 al 1345 par L. S. Peruzzi (Florence, 1868).
  2. La Bourse de Londres, par John Francis (trad. française par Lefebvre Duruflé (Paris, 1854), chap. xiii.