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étrangers un droit de contrôle sur un organe économique de première importance.

L’existence d’un marché financier national fortement constitué est une garantie d’indépendance pour un pays dans les crises qui peuvent traverser son existence. Le personnel de Wall-Street a pu à bon droit répondre aux déclamations du révérend Talmage que la Bourse de New-York avait vraiment sauvé l’Union américaine, quand, après la défaite de Bullrun, en juillet 1861, elle dut émettre son premier emprunt. Aucun effet du Trésor américain n’eût trouvé preneur en Europe et toute la tribu des Rothschild refusait un shelling au gouvernement fédéral. Ce premier emprunt fut émis au 12 p. 100 ; mais, en peu d’années, Wall-Street avait assez soutenu l’Union pour que les derniers emprunts de la guerre aient été émis en 5 p. 100. En août 1865, les émissions de fonds des États-Unis montaient à 2 milliards 900 millions de dollars qui avaient tous été négociés à Wall-Street. Aucun emprunt n’avait été placé à l’étranger, et c’est alors que les Anglais, rassurés sur l’avenir de l’Union, se mirent à en acheter des quantités considérables.

Les pays arriérés, qui sont obligés d’emprunter sur les grands marchés financiers et qui ne sont pas à même de profiter de la concurrence existant entre les banquiers, sont exploités d’une manière qui rappelle la domination financière exercée au moyen âge par les marchands italiens et hanséates en Angleterre, plus tard par les Génois dans le royaume de Naples.

Les gouvernements égyptien, turc, serbe, roumain, péruvien, mexicain, brésilien ne sont pas dans une meilleure situation vis-à-vis des banquiers anglais, français et allemands, qui leur prêtent les sommes qu’ils demandent en leur imposant les conditions les plus onéreuses.

Nous ne raconterons pas l’histoire des chemins de fer turcs concédés par le gouvernement Ottoman en 1869 à Langrand-Dumonceau, puis tombés entre les mains de Hirsch. Elle caractérise l’exploitation sans merci d’un pays par des financiers.