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en 1855 les impôts indirects :ainsi l’emprunt fournit pour la guerre de Crimée 1.538 millions de francs, et les aggravations de taxes 100 millions environ.

Un autre trait caractéristique de la gestion financière de ce temps, c’est que tous les emprunts furent émis dans le fonds 3 p. 100, qui était fort au-dessous du pair, à part une très faible fraction des emprunts antérieurs à 1860, qui fut placée en 4 1/2. Toute politique prévoyante doit éviter de grossir le capital nominal de la dette publique, alors même qu’en faisant ce sacrifice on allégerait dans une certaine mesure la charge annuelle des intérêts. En créant 130 millions de rentes 3 p. 100 à des cours qui oscillaient entre 60 fr. 50 et 69 fr. 25, le gouvernement d’alors indiquait assez qu’il ne s’inquiétait guère de l’éventualité du remboursement de la dette. Il est vrai que le public le poussait, ou tout au moins le soutenait dans cette voie. Toutes les fois qu’on lui donnait le choix entre des rentes 4 1/2 p. 100 et des rentes 3 p. 100, dût-il payer les dernières relativement un peu plus cher, il préférait le 3 p. 100, aimant mieux un revenu légèrement inférieur avec la perspective d’une plus-value presque illimitée[1].

IV. — Les effets fâcheux d’une dette publique sont cependant atténués, si les titres qui la représentent sont placés dans le pays et si des émissions continues n’empêchent pas la nation de profiter de l’amélioration des conditions économiques générales. Le placement d’une partie notable de la dette à l’étranger entraîne forcément un cours du change défavorable. C’est ce qui a ruiné les finances espagnoles[2] et à la longue ruinera les finances italiennes[3]. On peut en dire autant de la possession par les étrangers des titres de chemins de fer avec cette circonstance aggravante que cela donne à des

  1. Traité de la science des finances (4 édit.), t. II, pp. 565-566.
  2. Pour l’Espagne, la monnaie dépréciée d’argent, qui est en fait la base exclusive de sa circulation monétaire, et l’abus des émissions de billets de banque s’ajoutent à cette première cause des changes défavorables.
  3. L’Italie a payé de 1875 à 1890 à l’étranger (pour la presque totalité en France) 1.273 millions sur un total d’arrérages de 5 milliards 482 millions. En 1889-1890, le Trésor italien a eu à payer pour intérêts et remboursements de sa dette 437.405.397 francs sur lesquels 150.383.377 francs (près de 35 p. 100) ont été payés à l’étranger. La situation va donc en s’aggravant. V. un travail de M. A. Neymarck dans le Journal de la Société de statistique de Paris (1891), et l’exposé financier de M. Luzzati, du 1er décembre 1891, reproduit par le Bulletin du Ministère des Finances, 1891, t. II, p. 663.