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Quelque financier trop habile conseilla pour la première fois ce procédé à Pitt en 1781. Le Trésor anglais emprunta alors en 3 p. 100 fort au-dessous du pair 558.469.704 liv. st. pour lesquelles il se reconnut débiteur de 856.803.831 livres st. M. Leroy-Beaulieu établit que jusqu’à la conversion opérée en 1889 le Trésor a payé un intérêt annuel de 4 millions de l. st. supérieur à celui qu’il eût payé, s’il eût emprunté d’abord en 5 ou en 5 1/2 et eût procédé aux conversions successives que ce taux d’intérêt eût comportées[1]. En France, la même mauvaise pratique a prévalu et a rendu insignifiant le bénéfice des conversions. C’est celle que suivent les pays dont le crédit est de second ordre. Mais l’Angleterre contemporaine, ses colonies, les États-Unis, la Belgique, la Hollande, la Norvège, tous les pays en un mot dont les finances sont bien administrées, ne font plus que des emprunts au pair, même quelquefois au-dessus. C’est dans ces conditions que la Restauration, une fois qu’elle fut hors de pages, avait adjugé le 12 janvier 1830 un emprunt de 80 millions effectifs en 4 p. 100 au taux de 102 fr. 075.

Le second Empire, qui a augmenté si considérablement la dette nationale, a malheureusement méconnu complètement les règles d’une sage politique financière. M. Leroy-Beaulieu s’exprime ainsi à ce sujet :

Si la France avait eu alors à sa tête des financiers comme ceux de la Restauration ou comme les financiers anglais d’aujourd’hui, tout en faisant les mêmes entreprises, elle eût augmenté sa dette publique beaucoup moins. La guerre d’Orient coûta à peu près la même somme à la France et à l’Angleterre : 1.750 millions de francs à celle-ci, et environ 1.650 à celle-là. Or, sait-on comment l’Angleterre a payé les 1.750 millions de francs qu’a exigés d’elle la guerre de Crimée ? L’emprunt n’a fourni que un milliard et les surélévations d’impôts ont donné 750 millions. En France, les impôts furent à peine légèrement accrus, soit pour la guerre de Crimée, soit pour la guerre d’Italie. Tandis que les Anglais doublaient l’impôt sur le revenu, la taxe sur la bière, etc., nous relevions de 94 millions seulement

  1. P. Leroy-Beaulieu, Traité de la science des finances (4e édit.), t. II, pp. 334 et suiv.