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des rentes est causée non seulement par l’amélioration de la chose publique, mais aussi par la baisse du taux de l’intérêt, phénomène essentiellement avantageux aux classes industrieuses. Puis, les rentes perpétuelles étant toujours rachetables par l’État débiteur, elles sont l’objet de conversions successives. Les détenteurs de 5 p. 100 français ne touchent plus aujourd’hui que 4 1/2 p. 100 ; ils ne toucheront bientôt plus que 3 p. 100 par la prochaine conversion. La plus-value de leur capital, qui sera alors réduit probablement à 95 francs, correspondra à peine au changement dans le taux de capitalisation. Prenons un autre exemple :le rentier anglais, porteur de Consolidés 5 p. 100, qui touchait, en 1781, 5.000 livres de rente, n’en touche plus aujourd’hui que 2.750 et en touchera seulement 2.500 en 1902. Son capital initial de 100.000 livres représentait, en 1791, 122.750 livres st. Mais ce capital était tombé, en janvier 1798, à 69.400 liv.st.[1] ; il représente 98.000 liv. aujourd’hui, et le prix de toutes choses a doublé, entre ces deux dates, précisément sous l’action des mêmes causes qui ont fait baisser le taux de l’intérêt. Voilà, à travers bien des oscillations, la plus-value réelle des rentes perpétuelles !

L’effet utile des conversions est en grande partie neutralisé par la mauvaise pratique de certains gouvernements d’émettre leurs rentes au-dessous du pair, et d’augmenter ainsi abusivement le capital de la dette. La perspective d’une forte majoration du capital détermine, au moment, les souscripteurs à se contenter d’un intérêt moindre ; mais le principal bénéfice de cette majoration profite aux grands banquiers, qui détiennent les titres de rente dans leur portefeuille pendant un certain nombre d’années et qui les vendent quand le taux du crédit public s’est relevé. Les conversions étant beaucoup plus onéreuses, la somme des intérêts payés finit par être plus considérable que si dès le début l’emprunt avait été émis au pair avec l’intérêt exigé par l’état du marché.

  1. Le cours le plus haut du 5 p. 100 anglais fut de 122 1/4 en août 1791 ; en janvier 1798, il tomba à 69 3/8.