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des étrangers dans la souscription de l’emprunt a le grand avantage de laisser aux nationaux les capitaux nécessaires pour qu’ils continuent à travailler et d’éviter des crises monétaires qui aggraveraient encore le mal. L’existence d’un marché universel de l’argent est donc une atténuation des maux causés par la guerre. Mais il faut veiller à ce que les Financiers, qui tiennent les clefs de ce marché, ne fassent pas payer trop cher leurs services (§§ 5 et 6).

Si l’emprunt s’impose d’une manière absolue dans certaines circonstances, il n’en faudrait pas moins, sous peine de consommer l’avenir par la prodigalité du présent, que toute dette publique eût son amortissement organisé dans un délai, qui, comme pour les dettes foncières, ne fût pas excessif. Ainsi font les grandes compagnies de chemins de fer et de canaux et les entreprises industrielles qui émettent des obligations. La législation française impose aussi un amortissement et l’établissement des ressources nécessaires pour y pourvoir aux villes et aux départements qui empruntent[1].

Ce n’est donc pas sans raison que M. de Molinari taxe d’immorale l’émission d’un emprunt en rentes perpétuelles[2].

Les pays les plus sages n’empruntent qu’en s’engageant à rembourser

  1. Il ne s’ensuit pas, de ce que nous disons au texte, qu’il ne faille entreprendre d’autres travaux publics que ceux susceptibles de payer l’intérêt et d’amortir le capital dans un délai donné. L’Etat, les provinces, les municipalités peuvent légitimement entreprendre des travaux n’ayant pas une productivité aussi grande, lorsqu’une amélioration générale dans les conditions industrielles du pays doit en résulter. C’est ce que, dans le langage technique, on entend par l’utilité indirecte opposée à l’utilité directe ; mais les travaux ne rendant qu’une utilité indirecte doivent être maintenus dans des limites strictes ; sinon, au bout de peu d’années, la charge des impôts nécessités par le service de ces emprunts dépasse l’accroissement de la richesse générale ; la propriété baisse alors de valeur, ce qui est le signe de la diminution des capitaux et de la désorganisation des entreprises. C’est ce qui s’est produit non seulement dans la République Argentine, mais aussi dans quelques colonies australiennes, où les organisations ouvrières imposent aux Parlements des travaux publics inutiles pour donner de l’ouvrage aux travailleurs et du débit aux commerçants. V. the Economist, 2 août 1890 : How a railway loan is manipulated in Australia.
  2. Notions fondamentales d’économie politique et programme économique (Guillaumin, 1891), p. 332. Des praticiens financiers font remarquer cependant que les emprunts émis en rentes perpétuelles présentent certains avantages au point de vue des conversions.