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les événements politiques d’avoir leur répercussion à la Bourse. Proudhon a tracé un tableau merveilleux de style et de mouvement de cette puissance anonyme et insaisissable, qui, à chaque événement de l’histoire contemporaine, a toujours manifesté son impression, souvent au rebours de ce qu’auraient voulu les gouvernants[1]. Ce n’est plus seulement la résistance des intérêts matériels, comme celle qui déjouait les tentatives du gouvernement anglais au commencement du xviie siècle pour régler les cours des changes ; c’est l’opinion publique elle-même qui juge la politique et qui se manifeste à la Bourse plus vivement et plus rapidement qu’au Parlement. Toute impression produite sur la nation se révèle instantanément par une hausse ou par une baisse des cours.

C’est une des conséquences de la diffusion de la richesse dans les sociétés modernes et de la dissémination des valeurs mobilières jusque dans des couches sociales très profondes. La dépendance où les gouvernements sont de la Bourse, parce que toutes les opérations politiques ont un côté financier, a été depuis la fin du dix-huitième siècle un nouveau facteur de la politique et il a contribué pour sa part au triomphe de la Démocratie.

XIX. — On a souvent réclamé l’établissement d’un impôt spécial sur les transactions de valeurs mobilières à la Bourse dans le but de couper court aux opérations qui ne sont que jeu ou agiotage. M. Ballue, notamment, en 1882, proposait d’établir une taxe proportionnelle de 0,05 centimes par 100 francs sur le montant de toutes les opérations de Bourse, ventes à terme, reports et marchés à prime, aussi bien que ventes au comptant.

C’est là une question délicate qui doit être étudiée bien plus au point de vue de la contribution de la fortune mobilière à l’ensemble des charges publiques qu’à celui d’une répression impossible, croyons-nous, des opérations ayant un caractère aléatoire. [fin page396-397]

  1. Manuel du spéculateur à la Bourse (3e édition), pp. 25-35.