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13). Cette pratique est devenue aujourd’hui une règle constante[1]. Elle fait encore plus ressortir ce qu’a eu de contraire aux intérêts du pays la conduite du gouvernement en 1882 à l’endroit de l’Union générale. Pour satisfaire des rancunes financières et assouvir des passions politiques, il a aggravé considérablement la crise et désorganisé le marché pour plusieurs années, en faisant arrêter à contre-temps le directeur et le président du conseil d’administration et en rendant impossible un appel de fonds aux actionnaires par la prononciation subreptice et sans cause de la faillite.

Les crises de Bourse ne se guérissent pas en un jour : le moment le plus aigu passé, il y a une longue liquidation qui amène peu à peu la baisse de toutes les valeurs, même des meilleures ; car ce sont les seules avec lesquelles les banquiers et établissements de crédit menacés puissent se faire des ressources. Au bout d’un certain temps, cependant, les rentes des États dont le crédit est intact remontent, parce que les capitaux devenus craintifs y cherchent un refuge. Une hausse des fonds publics coïncide souvent avec la stagnation des affaires et contraste avec la baisse des actions des sociétés industrielles.

XVIII. — La Bourse est en étroite communication avec tous les autres centres de l’activité économique du pays. Une mauvaise récolte, en diminuant les épargnes susceptibles de se placer en valeurs mobilières et en altérant la balance du commerce,

  1. Déjà W. Bagehot, dans son ouvrage classique, Lombard Street (pp. 46 à 53 de la traduction française), indiquait cette pratique comme le moyen régulier d’arrêter les paniques. Cependant elle doit être limitée et quand il y a des pertes de capital définitives, aucun accord des autres banques ne peut les supprimer. Ainsi en voulant empêcher un krach de se produire immédiatement après la suspension des paiements des Baring, la Banque d’Angleterre s’est mise dans une mauvaise position et le relèvement du marché est devenu impossible de longtemps. (V. the Economist, 13 juin 1891 et 5 mars 1892.) M. A. Raffalovich, dans son ouvrage le Marché financier en 1891 (Guillaumin, 1892), a un excellent chapitre sur les rapports de l’État avec la Bourse. Il y insiste sur les graves inconvénients qu’il y a à venir au secours de tout établissement de crédit embarrassé. Cela finirait par devenir un encouragement pour les grandes sociétés financières à administrer aventureusement leurs dépôts, tandis que les banquiers ordinaires subissent toutes les responsabilités de la mauvaise conduite de leurs affaires. Ces interventions quasi-officielles augmentent indûment la prépondérance des grandes sociétés de crédit.