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dans de folles dépenses, dans le fameux plan de travaux publics de M. de Freycinet, dans le rachat des petites lignes de chemins de fer, qui ont abouti à une série d’emprunts en pleine paix.

Ces enchérissements venant par crise sont doublement fâcheux ; d’abord ils ne profitent pas à tous les travailleurs et les personnes dont les revenus sont fixes en souffrent ; puis, quand l’heure de la liquidation arrive, toute cette richesse fantasmagorique s’évanouit ; la consommation se ralentit brusquement ; pour certaines industries de luxe, la stagnation est complète ; les faillites se succèdent et les prix sont ramenés péniblement en arrière ; car tous ceux qui subissent les anciens baux, ou qui ont des approvisionnements de marchandises, luttent pour rejeter sur d’autres la perte résultant de cette baisse. Une crise sur les terrains urbains suit inévitablement. C’est ainsi que les folies des spéculateurs réagissent de répercussion en répercussion sur toutes les conditions sociales et sur toutes les branches du travail par la désagrégation des capitaux qu’elles occasionnent[1].

L’élévation du taux de l’escompte s’impose d’ailleurs immédiatement pour arrêter la crise monétaire, qui est aujourd’hui la conséquence presque fatale d’un krach de Bourse. La confiance étant ébranlée, la circulation fiduciaire est arrêtée et chacun veut être payé en monnaie métallique. L’élévation de l’escompte ramène les espèces dans le pays et arrête l’essor de la spéculation à la Bourse par le renchérissement des reports et des avances sur titres ; mais elle est ressentie jusqu’aux extrémités du pays par les industriels et

  1. De l’enchérissement des marchandises et des services, dans la Revue des Deux Mondes du 1er décembre 1883. Le krach de Bourse de janvier 1882 coïncidait avec une période de dépression générale des affaires, ce qui a augmenté beaucoup sa gravité. M. Juglar (des Crises commerciales et de leur retour périodique, 2e édition, p. 289 et p. 445 à p. 442) établit absolument ce point à l’encontre de l’opinion courante, qui y a vu seulement le contre-coup de la catastrophe de l’Union générale et de la Banque de la Loire. La crise de Bourse de novembre 1890, causée par l’excès des spéculations à New-York, à Londres et à Berlin, a eu des conséquences moins graves, parce que l’industrie et le commerce étaient alors dans un état satisfaisant et que la production de la richesse a continué son cours dans les principaux pays. V. the Economist du 22 novembre 1890.