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avons décrit l’enrichit assez sûrement ; mais les hommes sont sujets à des accès de folie en commun et la Bourse avec ses spéculations continues, ses oscillations incessantes et les fortunes soudaines qui s’y élèvent parfois, doit fatalement en provoquer de loin en loin. Ces périodes d’agiotage effréné, où le marché échappe à ceux qui habituellement le dirigent, aboutissent à ces crises que l’on appelle des krachs dans le langage moderne. La première se produisit à la chute de Law : il fallait bien qu’un vent de folie eût passé sur le monde entier ; car pendant les mêmes années l’Angleterre eut une éclosion d’affaires chimériques et d’agiotage, qui est connue dans l’histoire sous le nom de South sea Bubble. L’effondrement du Système amena en France une catastrophe particulièrement grave, parce que les finances publiques y étaient engagées à fond et que des émissions de papier-monnaie étaient venues se joindre aux valeurs fantastiques de la Compagnie du Mississipi. Il faut aller jusqu’à la crise de la République argentine en 1890 pour retrouver une perturbation semblable dans la vie d’un peuple. Les crises de Bourse, qui se produisent de temps à autre, tous les vingt ans à peu près, n’ont heureusement pas cette gravité, au moins quand les financiers aventureux n’ont pas pu mettre la main sur la monnaie et le Trésor public. Des économistes optimistes vont même jusqu’à les regarder comme des orages nécessaires, qui purifient l’atmosphère ou qui, pour parler sans métaphore, débarrassent le terrain des entreprises chimériques et des spéculateurs sans assiette !

Quoi qu’il en soit, les périodes de spéculation effrénée se produisent généralement quand les disponibilités se sont accumulées pendant plusieurs années dans les banques, quand le crédit sous ses diverses formes : escomptes, reports, avances sur titres, est à très bas prix et que les emplois sérieux ne donnent aux capitaux qu’un faible rendement. Comme, par le fait seul de la baisse de l’intérêt, les bonnes valeurs haussent d’une manière continue, le public est porté à croire qu’il en sera de même pour toutes celles qu’on lui