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Des agences financières anglaises de ce genre viennent maintenant solliciter par les mêmes promesses les petits capitalistes français.

Une autre opération, qui se lie souvent à ces manœuvres, est celle des ventes dites à tempérament. Une prétendue maison de banque sollicite le public soit par des annonces, soit par des courtiers envoyés dans les campagnes, à acheter moyennant des versements mensuels des valeurs à lots en promettant aux acheteurs que dès le premier versement ils auront droit aux lots qui viendraient à sortir. En fait, la plupart du temps elle abuse de l’ignorance de cette catégorie d’acheteurs pour leur faire payer ces valeurs à un prix très supérieur à celui qu’elles ont sur le marché, même en tenant compte du calcul des intérêts composés sur la partie du prix atermoyée[1]. Mais surtout le banquier vendeur se réserve, soit expressément, soit en fait, le droit d’emprunter pour son compte personnel sur les titres vendus qu’il détient comme garantie des versements ultérieurs, ce qui constitue le plus grave péril pour leurs acquéreurs[2].

La justice devrait évidemment exercer une surveillance plus active sur ces prétendus banquiers au lieu d’attendre qu’ils aient spolié sans retour de pauvres gens. Elle recule peut-être devant des investigations dirigées contre des agioteurs de bas étage, par le sentiment de son impuissance contre de grands financiers que le monde des boulevards adule et pour lesquels la police correctionnelle elle-même a des ménagements, lorsque, d’aventure, ils viennent à passer sur ses bancs.

Le Parlement du Dominion du Canada, voyant que les bucket shops de New-York s’étaient transportées à Montréal, a édicté en 1889 un acte aux termes duquel ces établissements sont visés sous leur nom usuel et assimilés à des maisons de jeux,

  1. V. dans l’excellent Code des valeurs à lots, par M. Maurice Dumont (Pedone-Lauriel, 1891), pp. 71 et suiv.
  2. Le Tribunal de commerce de la Seine, en octobre 1891, a déclaré nulle une vente de valeurs à tempérament dans laquelle le vendeur s’était réservé expressément le droit d’emprunter sur les titres vendus.