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pour 100 par an pour les opérations sans spéculation, et de 40 à 50 pour 100 par an pour les échelles de primes ; d’autres promettent de tripler en un mois une mise de 1.000 francs[1]. Elles séduisent toujours un trop grand nombre de dupes et les quelques individus qui touchent au début de pareils bénéfices servent d’appeaux à de plus nombreuses victimes. Les combinaisons que ces agences exposent dans leurs prospectus et prétendent autoriser de la pratique des grands financiers peuvent, à la rigueur, être vraies théoriquement, en supposant une hausse ininterrompue. Mais les choses ne se passent point ainsi, et il survient toujours une perturbation que les spéculateurs sérieux peuvent supporter, mais qui emporte d’un coup les capitaux aventurés par ces financiers véreux dans des spéculations folles et absolument hors de proportion avec leurs ressources. Ils passent alors la frontière, emportant le fond de la caisse[2]. La plupart du temps, ils ne spéculent même pas par l’intermédiaire d’agents de change ou de maisons de coulisse. Ils font eux-mêmes la contrepartie de l’opération qu’ils conseillent à leurs clients en opérant dans la direction opposée. Ils appellent cela appliquer les ordres qu’ils ont reçus.

  1. Quelques-unes de ces agences pour achever d’attirer l’argent des simples leur offrent en garantie des bons de capitalisation destinés à reconstituer leur capital en cas de perte. Les combinaisons de l’assurance financière sont fort ingénieuses et exactes mathématiquement ; mais jusqu’à présent l’expérience a montré que quelque événement vient toujours traverser ces combinaisons quand elles sont faites à de trop longues échéances. La plupart des sociétés de capitalisation ont fait faillite, à commencer par l’Assurance financière et la Société des coupons commerciaux.
  2. La Banque d’Etat, dont le directeur, Mary-Raynaud, s’est enfui à la fin de novembre 1890, peut être présentée comme le type de ces agences véreuses. Les titres trouvés dans la caisse valaient 25.000 francs contre un passif de 6 millions. Quelques clients de la première heure avaient touché 54 pour 100 par mois sur leurs fonds ! Il n’y a pas eu moyen de les faire rapporter à la faillite ; mais, en s’appuyant sur un jugement du Tribunal de commerce de la Seine du 11 mars 1886, dans une affaire du même genre, le syndic a écarté la prétention des déposants, qui, n’ayant rien touché, demandaient à être admis comme créanciers. On les a considérés justement comme des associés en participation à une opération de jeu qui avaient perdu leur mise. Quelques mois après, la faillite de Macé-Berneau a répété, avec un passif de 25 millions cette fois, les mêmes faits d’escroquerie et a montré la cupidité naïve, qui existe dans toutes les classes de la société. La liste nominative des créanciers de ces deux faillites, avec l’indication des corps auxquels ils appartiennent, pourrait fournir un chapitre de plus à M. Drumont pour son Testament d’un anti-sémite.