Page:Jannet - Le capital, la spéculation et la finance au XIXe siècle, 1892.djvu/403

Cette page n’a pas encore été corrigée

a-t-elle été poussée trop loin et un effondrement subit arrive-t-il par suite de la déconfiture de spéculateurs engagés au delà de leurs forces, les rois de la Finance retournent leur position, et par les ventes à découvert, par les diverses combinaisons des primes avec le ferme, ils gagnent encore à la baisse contre les haussiers qui ont suivi l’impulsion donnée par eux. Un spéculateur contemporain disait avec un geste expressif : « pour manier la Bourse, c’est comme pour traire les vaches :il faut y mettre les deux mains !»

A Londres et à New-York, les syndicats opèrent comme à Paris et les procédés employés sont absolument les mêmes[1]. La grande presse politique seulement paraît y être moins engagée. Dans ces dernières années, en Angleterre, on a, pour opérer ces manœuvres, constitué des sociétés spéciales, des shares trust companies, qui, au lieu d’être seulement des sociétés de capitalisation fondées sur le principe de la répartition des risques comme elles l’étaient à l’origine (chap. v, § 1), emploient le capital qu’elles se sont procuré, à titre d’actions ou d’obligations, à pousser sur le Stock Exchange certaines catégories de valeurs.

Quand les Baring étaient déjà aux abois, ils ont cherché à constituer une Trust Company de ce genre, qui se serait chargée de tous les titres argentins et uruguayens[2] sous le poids desquels ils succombaient ; mais le projet échoua ; car leur situation réelle commençait à être connue[3]. Les Murietta

  1. V. dans the North american Review, de janvier 1888, l’article intitulé Recent movements in Wall Street.
  2. V. the Economist, 22 novembre 1890, 2 et 16 mars 1891, et le Journal des Economistes de décembre 1890. On travaille à acclimater ces procédés sur la Bourse de Paris. Il y a quelques années une société conçue sur le modèle des Trust Companies anglaises, la Société financière franco-suisse, avait acheté les obligations privilégiées Ottomanes et s’était dissoute au bout de quelque temps avec grand profit après avoir écoulé ces valeurs dans le public. Encouragé par ce premier succès, il est, en février 1892, question de la création d’une nouvelle Société financière franco-suisse au capital de 40 millions qui émettrait pour 60 millions d’obligations destinées à acheter des fonds turcs et serbes. Une Banque internationale des fonds d’Etat de la même espèce, fondée en octobre 1890, a dû promptement entrer en liquidation.
  3. Les Baring avaient, au moment de leur faillite, pour 400,000 liv. st. de fonds urugayens 6 p. 100 qu’ils tenaient en réserve pour les écouler peu à peu dans le public. V. the Nation de New-York, 22 octobre 1891.