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Dans le marché des actions, la semaine passée, les achats de M. Gould ont produit une forte hausse des prix. Toute prévision de l’avenir dépend de l’achèvement des plans de M. Gould. C’est là ce qui décidera pour quelques jours encore de la hausse ou de la baisse des cours ; car, pour ce qui a trait à la valeur intrinsèque des actions, jamais les compagnies en question n’ont été dans une meilleure position.

En Europe, les grands financiers affectent moins la royauté, pour nous servir d’une expression classique, qu’en Amérique. Ce n’est pas seulement parce que le régime politique de ce pays est en fait plus favorable à ces coups de force ; c’est parce que l’abondance des capitaux et leur dissémination donne, en Europe, plus de résistance au corps social, et que les grands financiers pourraient expérimenter la force de tous contre un. Ils dissimulent donc autant que possible leur action sous la forme d’un syndicat, c’est-à-dire qu’ils y intéressent à des degrés divers un certain nombre de leurs émules, les grandes sociétés de crédit et à leur suite toute une clientèle d’agents de change, de coulissiers, de journalistes.

Nous avons dit le rôle des syndicats dans l’émission des valeurs, fonds d’États ou titres industriels. La même organisation et les mêmes procédés sont employés pour provoquer des campagnes artificielles de hausse sur telle ou telle valeur[1]. On choisit une valeur qui soit de nature à surexciter les espérances du public. C’est ce qu’on appelle, dans

  1. En 1886 une revue spéciale, la Finance nouvelle, décrivait ainsi le rôle des syndicats :

    « Les syndicats jouent souvent un rôle considérable sur le marché. Les syndicats opèrent généralement de leur propre initiative ; mais quelquefois ils opèrent sur commande pour le compte de telles sociétés qui éprouvent le besoin de défendre leurs titres. Nous trouvons les syndicats à l’origine de la plupart des grandes sociétés… De même une société qui défend ses titres en recourant à un syndicat de résistance ne commet pas un crime. Seulement, pour avoir recours aux syndicats de résistance, il faut être bien sûr de soi ; il faut être dans une situation tout à fait différente de celle opposée par les vendeurs… ; il faut être en mesure d’offrir promptement la preuve que les titres valent beaucoup mieux que les prix auxquels on les offre… Il est impossible qu’une grosse valeur sur laquelle il se pratique journellement des affaires considérables reste dans une immobilité à peu près complète pendant de longs mois et puis, éprouvant tout à coup les soubresauts d’une boussole affolée, passe subitement du plus grand calme à la plus grande agitation… Cette valeur a été longtemps maintenue à un cours uniforme par un syndicat