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retourné sa position, c’est-à-dire vendu de l’or aux plus hauts cours et racheté aux cours de panique des actions de chemins de fer en quantité telle qu’il était désormais le maître d’une grande partie du réseau ferré du pays.

Dix-sept ans après, un nouveau coup de force, préparé par une longue période d’inertie apparente, a encore augmenté cette puissance formidable. Le Standard de Londres, du 25 novembre 1890, l’a raconté ainsi :

En décembre 1885, M. Jay Gould annonça officiellement sa retraite des opérations de Bourse. On n’y crut pas. Pour un temps, toutefois, il se livra tout entier à la navigation de son yacht et à d’autres plaisirs. Il accumula pendant ce délai ses revenus de façon à pouvoir prendre à la crise de la dernière quinzaine une part qui l’en fait émerger avec une figure plus imposante que jamais dans le monde financier.

Alors que des spéculateurs ordinaires augmentent leurs crédits dans les banques, M. Jay Gould entasse de véritables rames de billets de banque et la perte d’intérêts sur tout ce papier a été insignifiante pour lui, comparée aux gains qu’il a pu ainsi faire dans d’autres opérations. On estime qu’il accumula ainsi un fonds absolument disponible de 100 millions de francs. Il est sûr que dans la dernière semaine il a dépensé 50 millions de francs.

Alors que M. Villard (du Pacific railway) emploie un seul stock dealer, M. Gould en a engagé plus de vingt et leur a ordonné de subdiviser leurs commissions entre plus de cent courtiers (brokers). Ceux-ci ont exécuté des ordres souvent en apparence contradictoires et dont le résultat net n’est connu que de M. Jay Gould seul.

Les transactions quotidiennes de M. Gould pendant cette période ont souvent excédé un total de 250.000 titres représentant 125 millions de francs, et il a entassé un fonds d’environ un million de titres. Quelques-uns des plus grands capitalistes des États-Unis et des plus forts adversaires de M. Jay Gould ont dû faire publiquement leur soumission devant lui.

M. Charles Francis Adams, qui sauva jadis l'Union Pacific railway quand M. Jay Gould l’attaqua, a capitulé devant une créature de M. Gould. Les propriétaires du Pacific Railroad and Richmond Terminal, que M. Gould convoitait pour avoir un débouché sur l’Océan à sa route transcontinentale méridionale, viâ Missouri Pacific, lui ont vendu toutes les actions qu’il souhaitait au-dessous du cours, à la seule mention du chiffre des sommes qu’il se proposait d’employer sur le marché.